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Marcus Malte remporte le prix Fémina

L’auteur a été préféré à Laurent Mauvignier, Nathacha Happanah, Thiery Vila ou encore Luc Lang.

Le prix Fémina a été décerné à Marcus Malte pour Le Garçon (aux éditions Zulma), ont annoncé mardi 25 octobre les jurées. L’écrivain, dont l’univers a pu être comparé à celui de l’Américain Jim Thompson, a obtenu 7 voix contre 3 à Nathacha Appanah (Tropique de la violence, Gallimard) pour ce roman d’apprentissage où un garçon sans nom, au début du XXe siècle, quitte la cabane de sa mère pour découvrir le monde. « Ce livre est une grande épopée, une histoire magnifique qui ressuscite le mythe de l’enfant sauvage qui parvient à la civilisation », a déclaré la présidente du prix Fémina Mona Ozouf.

Le prix Fémina du roman étranger a été attribué à Babih Alameddine pour Les Vies de papier (Les Escales) et celui de l’essai à Ghislaine Dunant pour Charlotte Delbo, La vie retrouvée (Grasset).

sursa: magazine-litteraire.com

En Roumanie, peut-on encore citer Cioran ?

En Roumanie, une loi mémorielle, votée le 21 juillet, sème le trouble chez les intellectuels roumains. En interdisant les idées et les symboles nazis, est-ce un crime de citer les écrivains qui, dans leur jeunesse, ont été des sympathisants fascistes ?

En interdisant le négationnisme, les organisations et les symboles fascistes, le culte de personnes reconnues coupables de génocide ou de crimes contre l’humanité, pourra-t-on encore parler de penseurs qui, comme Cioran et Mircea Eliade, ont été dans leur jeunesse sympathisants de mouvements fascistes qui ont participé pendant la Seconde Guerre mondiale à l’extermination de centaines de milliers de juifs ?

C’est ce que se demandent les intellectuels roumains. Sur son blog, l’écrivain Andrei Plesu regrette que les débats publics sur les vieux démons roumains, le nazisme et le communisme, soient verrouillés. „Je ne veux pas être considéré comme suspect ni si je lis Jean-Paul Sartre, ni si j’admire le talent de Cioran”, explique-t-il.

Source : Livres Hebdo

À voir un documentaire de Patrice Bollon et Bernard Jourdain sur Cioran pour „Un siècle d’écrivains” sur Youtube

sursa: magazine-litteraire.com

Les boîtes à livres fleurissent dans les rues belges


Capture d’écran Twitter
Le principe ? Les passants choisissent ou déposent un roman dans de petites étagères.

À Malonne, une petite boîte de style étagère remplie de livres est disposée le long d’un trottoir. Les passants peuvent gratuitement y choisir un livre ou déposer celui qu’il vienne de finir. À Louvain-la-Neuve, même concept mais la bibliothèque a la forme d’un arbre. À Ixelles, la petite étagère prend l’apparence d’une boîte aux lettres.

L’idée n’est pas neuve, mais ces petites caisses, appelées boîtes à lire, micro-bibliothèques ou encore bookboxes fleurissent de plus en plus en Belgique. Malonne, Schaerbeek, Ixelles, Nivelle, Jambes ont tous déjà lancé cette initiative dans leur espace public.

auteur: Katarina Enne  

source: lesoir.be

L’écrivain chinois né sur Internet : Murong Xuecun, l’audacieux

 Murong Xuecun en juillet 2015 à Leeds (Bertrand Mialaret)

Murong Xuecun en juillet 2015 à Leeds (Bertrand Mialaret)

A 40 ans, Murong Xuecun est l’un des jeunes écrivains chinois les plus connus ; l’un de ceux qui, comme Han Han et Annie Baobei, ont été révélés par la création littéraire sur Internet.

« Je suis un criminel des mots ».

Couverture de « Oublier Chengdu »

Deux de ses romans, traduits en français par Claude Payen, ont eu en Chine énormément de succès : « Oublier Chengdu » (éditions de l’Olivier) en 2006 et « Danse dans la poussière rouge » (Gallimard) en 2013. Ces deux livres lui ont valu des difficultés avec la censure et d’importantes coupes.

Mais c’est le récit d’une immersion réelle et dangereuse dans un système mafieux de vente pyramidale qui va finir de tendre ses relations avec le pouvoir.

Ce texte, « Il manque un remède à la Chine », qui doit être publié par Gallimard en octobre, a obtenu le prix de la Littérature du Peuple, mais Murong Xuecun n’a pu prononcer son discours de réception ; discours finalement rendu public en 2011 à Hong Kong et traduit par Rue89.

Couverture de « Danse dans la poussière rouge »

Depuis, ses critiques se font de plus en plus âpres, d’autant qu’à la même époque, son ami Ran Yunfei est emprisonné de février à août 2011.

Murong Xuecun est alors une star sur Weibo, le Twitter chinois, suivi par 8 millions d’internautes. Mais en mai 2013, ses comptes Weibo sont clôturés et 200 000 caractères d’opinions et de commentaires disparaissent. Il continuera à ouvrir d’autres comptes Weibo, même si le site n’a plus la même importance et a été « tué » par WeChat et ses 500 millions d’utilisateurs.

WeChat n’a pas la même capacité à créer le buzz ni à diffuser informations et opinions ; de plus, des dispositions permettant de punir sévèrement des blogueurs s’écartant de la ligne officielle ont été prises. Les blogueurs deviennent prudents, Han Han parle plus course automobile ou de sa petite fille que de problèmes de société.

Invité à « boire le thé »

En mai 2014, ses amis se réunissent dans un appartement autour du 25e anniversaire de Tiananmen le 4 juin ; plusieurs d’entre eux sont détenus, notamment l’avocat Pu Zhiqiang ; Murong Xuecun est alors à Sydney, mais de cœur avec eux. Il signale à la police son retour en Chine en juin 2014, il est alors convoqué pour « boire le thé » – la métaphore pour une discussion avec la police – mais n’est pas arrêté.

En mai dernier, il est invité à New York par le PEN American Center, à l’occasion du Book Expo America, le salon du livre américain. Le gouvernement chinois a financé une délégation considérable de 500 personnes, 100 représentants de maisons d’éditions et 26 écrivains.

Sur les marches de la bibliothèque municipale de New York, Murong Xuecun déclame la lettre ouverte adressée à la censure chinoise en 2013 après la fermeture de ses comptes Weibo. Ha Jin et Guo Xiaolu lisent des passages d’œuvres d’écrivains emprisonnés et notamment de Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix.

Un petit groupe d’écrivains américains les soutiennent tels Jonathan Franzen, qui lit une lettre du professeur ouighour Ilham Tohti, condamné à la perpétuité.

Murong Xuecun prend des risques sérieux car contrairement à certains autres écrivains, il n’hésite pas à critiquer directement le Parti communiste chinois et le gouvernement.

Sa visibilité en Chine a cependant beaucoup diminué avec la clôture de ses comptes Weibo et surtout l’interdiction de réimprimer ses livres.

Murong Xuecun à Leeds

Murong Xuecun a été l’un des deux écrivains « vedettes » du récent symposium de Leeds, qui comprenait autour de la littérature chinoise de ces dernières années, universitaires, traducteurs, éditeurs, agents et deux représentants de blogs, Rue89/mychinesebooks et le blog des traducteurs anglophones Paper Republic.

A cette occasion, Murong Xuecun, a bien voulu répondre à quelques questions, centrées sur la littérature, avec l’aide de son traducteur/éditeur Harvey Thomlinson.

Rue89 : vos activités de contestation mobilisent beaucoup d’énergie, écrire est toujours au centre de votre vie ?

Murong Xuecun : sans aucun doute, j’ai eu des difficultés à terminer un roman mais actuellement je travaille avec enthousiasme sur « A New Era », non pas une référence à Orwell « 1984 » mais à la Chine en 2072, un pays fermé, en retard et pauvre où les gens n’ont plus vraiment d’émotions ou de capacités d’indignation.

Malgré tous mes voyages, j’essaie d’écrire au moins deux heures par jour. Ce livre devra être publié à Hong Kong ou à Taiwan ; espérons que les contrôles sur l’édition qui se multiplient à Hong Kong ne seront pas trop stricts.

Vos articles quasiment mensuels dans le New York Times soulèvent beaucoup d’intérêt.

C’est une expérience qui a été commencée par Yu Hua. C’est assez compliqué de se limiter à mille mots surtout quand il s’agit de sujets plutôt sérieux ; Harvey a souvent des difficultés à traduire car j’utilise des jeux de mots et plusieurs variétés de langages.

Ces articles ne sont pas publiés en Chine, mais j’ai souvent des réactions intéressantes et sympathiques de lecteurs par exemple pour un article récent où je soulignais l’impact du Parti communiste et de sa propagande sur la langue chinoise.

Vous êtes maintenant très critique vis-à-vis du prix Nobel de littérature Mo Yan…

C’est seulement en avril dernier que j’ai publié des commentaires négatifs ; jusque là il avait eu des déclarations que je n’avais pas appréciées, mais je n’avais rien dit.

J’ai été très surpris par ses commentaires au sujet de l’action du président pour lutter contre la corruption ou contrôler l’Internet. Cela ressemble à de la propagande et il déclare que pour épauler l’action de la Commission anti-corruption, il va lui-même écrire un roman sur la corruption !

Certains de mes amis pensent qu’il adopte cette attitude parce qu’il est inquiet ; on a dit qu’il avait été plutôt proche de Bo Xilai [le rival récemment emprisonné de Xi Jinping] et qu’il lui a même écrit un poème.

Que pensez-vous des jeunes écrivains chinois ?

Ce n’est pas une période faste pour la littérature en Chine ; quand je participe à une réunion d’écrivains, de journalistes, d’intellectuels, on parle le plus souvent des cours de la Bourse ! Certains, qui ont pu publier un premier roman prometteur, ne continuent pas et préfèrent créer une société et gagner de l’argent.

Avez-vous beaucoup de contacts avec les écrivains ?

Oui beaucoup ; certains sont des amis comme Feng Tang, d’autres sont des gens plus âgés que j’ai eu plaisir à rencontrer comme Gao Xingjian [prix Nobel de littérature, exilé en France, ndlr].

Je suis aussi intéressé par ce qu’écrit Yan Lianke. Yu Hua a des positions courageuses, son dernier livre « Le Septième Jour » est un roman que j’ai peut-être moins aimé que « La Chine en dix mots », un recueil d’essais remarquable et émouvant.

Vous êtes moins positif sur la littérature sur Internet ?

C’est certain, vous savez il y a 10 000 nouveaux romans mis en ligne chaque jour sur Internet. C’est quelque chose d’incroyable et le niveau est souvent très médiocre.

Par contre, j’ai beaucoup plus confiance en mes propres qualités d’écriture, j’ai plus d’expérience…

En 2010,vous posiez la question « la Révolution culturelle est-elle terminée ? » Que diriez-vous aujourd’hui ?

Cette question a déclenché mon attitude critique comme intellectuel. Depuis cette période, j’ai compris beaucoup plus profondément ce qu’avait été la Révolution culturelle.

Il y a beaucoup plus de restrictions et de censure dans la période récente que dans les années 2000 mais je ne pense pas que Xi Jinping ait le pouvoir de nous ramener au temps de la Révolution culturelle.

auteur: Bertrand Mialaret | Mychinesebooks.com 

source: rue89

Je suis écrivain : éditeurs malhonnêtes, dopage littéraire… Ce milieu est une jungle

Image result for ecrivainLE PLUS. Écrivain, un métier de rêve ? La réalité est bien plus complexe qu’on pourrait le penser. Il y a quelques années, Cédric Citharel a tout plaqué pour essayer de vivre de l’écriture. S’il ne regrette pas son choix, il se montre très critique envers le milieu de l’édition, où il est bien difficile de se faire connaître sans se compromettre. Témoignage.

Cela fait maintenant plusieurs années que j’ai plaqué mon boulot pour devenir écrivain, et je ne le regrette pas. Ce que je déplore, en revanche, c’est ce milieu dans lequel les écrivains en devenir sont prêts à tout (mais surtout au pire) pour gagner en visibilité.

Je ne parle pas des „vrais” écrivains, ceux qui émargent dans une grosse maison d’édition et à qui on verse un à-valoir avant même que leur texte arrive sur le marché. Je parle des sans-grade, de ceux qui ouvriront une bouteille de champagne lorsqu’ils verront leur roman sur les catalogues des grands distributeurs en ligne, mais qui ne savent pas encore dans quel engrenage ils ont mis le doigt.

Il y a des spécialistes du dopage littéraire

Parce que quand on signe chez un petit éditeur, on se dit qu’il a forcément aimé le texte et qu’il est prêt à prendre des risques pour le défendre. On se dit que c’est quand même bon signe. Mais on se trompe. Au mieux, le petit éditeur a lu le texte et il estime qu’il pourra le mettre en vente sans que cela lui fasse trop de travail. Au pire, c’est un escroc.

Dans le premier cas, le texte sera plus ou moins bien corrigé avant d’être mis à la disposition des grands distributeurs d’e-books, voire, pour les éditeurs les plus courageux, d’être lancé en impression à la demande.

Et ensuite… il ne se passera rien. Ce sera à vous d’en faire la promotion, auprès de vos amis, de votre famille, de vos collègues, ou de vos élèves, et une fois cette épreuve passée, votre livre tombera dans les oubliettes de la BNF ou des ventes immatérielles. Pour éviter cet écueil, il vous faudra vous compromettre avec les spécialistes du dopage littéraire.

Se préparer à une vie sociale compliquée

En effet, pour quelques euros, ou pour quelques retours d’ascenseur, des gens bien intentionnés se proposent de „liker” votre ouvrage et de lui mettre un commentaire 5 étoiles sur les plateformes de vente. Si vous disposez d’un blog un peu fréquenté, ils vous proposeront aussi une jolie chronique en échange d’un article sur leur dernier roman.

Et dans cette jungle, il ne faut pas oublier ceux qui se posent en intermédiaires et coordonnent le tout, moyennant des sommes tout à fait modestes. C’est grâce à ces gens-là que d’obscurs ouvrages bourrés de clichés, de passages racoleurs (le plus souvent sexuels) et de fautes d’orthographe trônent au sommet du top 100 des ouvrages électroniques.

Dans le second cas, l’éditeur malhonnête vous fait signer un contrat qui stipule que la correction, la mise en page et la couverture de votre ouvrage sont à votre charge, puis il vendra le produit fini „dans l’état” à quelque treize euros sous format PDF. Là encore, ce sera à vous d’en faire la promotion auprès de vos amis et de votre famille… Préparez-vous à avoir une vie sociale compliquée en tant qu’écrivain !

Faire preuve d’humilité, ne pas abandonner

Alors, comment tirer son épingle du jeu dans cette jungle qu’est le monde de l’édition ? D’abord, il faut un peu d’humilité. Après une carrière prometteuse dans des milieux aussi variés que des ministères ou des ambassades, j’ai compris qu’il ne suffisait pas de savoir écrire pour être écrivain, et j’ai repris mes études pour me retrouver en licence de lettres modernes à plus de 40 ans.

Ensuite, il ne faut pas hésiter à briser les codes. En ce moment, je suis sûr que la „libération” du livre (c’est-à-dire, le fait de rendre aux textes leur statut d’objets culturels et de leur ôter celui de marchandise) passera par le numérique. D’ailleurs, je suis en train de récupérer mes droits auprès des éditeurs pour mettre mes textes en ligne, gratuitement. Ce sera aux lecteurs de décider s’ils veulent faire, ou pas, la promotion de mes textes, et cette fois, cela se fera sans tricher.

Enfin, il ne faut pas abandonner. Dans l’état actuel des choses, des revenus réguliers sont nécessaires pour se lancer dans une carrière d’écrivain. Je le déplore, mais j’invite tous ceux qui souhaitent écrire à tenter l’expérience, quitte à connaître quelques difficultés financières. C’est une expérience formidable, à condition de ne pas laisser le système imposer ses lois.

Mais le système, c’est aussi ce que nous en faisons !

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Édité par Sébastien Billard  

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Parmi les livres les plus bannis aux Etats-Unis: ceux qui parlent de racisme et d’homosexualité

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Tout comme les livres abordant les problèmes liées à la drogue ou à la religion.

Le troisième livre le plus banni des bibliothèques américaines en 2014 raconte l’histoire d’un pingouin homosexuel. C’est ce que révèle le rapport annuel de l’association des bibliothécaires américains (ALA) rendu ce 12 avril. L’association dresse un top dix des livres les plus souvent bannis ou remis en cause par la plainte d’un individu, qu’il s’agisse d’un libraire, d’un parent, d’un professeur, etc. Son constat? Dans 80% des cas, il s’agit de livres ayant pour sujet la «diversité», c’est-à-dire des histoires traitant de couples LGBT, de racisme, de maladies mentales ou de questions religieuses, d’après le Washington Post.

Parmi ceux-ci, on retrouve Persepolis, le livre de Marjane Satrapi, en deuxième position à cause de son aspect polémique sur un plan politique. Le premier de la liste raconte l’histoire d’un adolescent amérindien arrivant dans une école de blancs.

Des demandes provenant principalement des parents

L’association des bibliothèques américaines note que ces demandes de retrait proviennent dans 35% des cas des parents. Or, si une demande de retrait d’un parent n’est pas toujours suivie d’effet, Bitchmagazine souligne que les bibliothécaires vont prêter moins facilement un ouvrage qu’ils savent, du fait de la plainte, polémique à la maison.

«Malheureusement, beaucoup [de gens] préfèrent éviter ces conversations complètement plutôt que d’avoir confiance dans le fait que chaque individu est capable de prendre les meilleures décisions possibles pour soi-même et pour ses enfants», regrette Charles Brownstein, le directeur du fonds légal de défense des bandes dessinées, dans le Washington post.

«Les livres sur cette liste parlent de problèmes liés à la couleur de peau, à la sexualité, aux préférences sexuelles, à la religion, à la drogue ou d’autres sujets de notre époque contemporaine. C’est le travail que nous confions à nos auteurs: utiliser l’art pour fournir un lieu sûr au public pour qu’il puisse aborder des sujets de fond d’une manière qu’il lui permet de se faire sa propre idée.»

Une situation qui n’est pas nouvelle. Dans un communiqué de presse, les membres de l’ALA rappellent que son bureau pour la liberté individuelle a analysé les plaintes effectuées contre l’ensemble des ouvrages entre 2001 et 2013. Pour eux, les demandes de retraits d’ouvrages provenant d’auteurs de «couleur» ou traitant de sujets liés aux communautés de «couleurs» seraient disproportionnées.

D’après une étude parue sur Publisher Weekly, le milieu du livre américain est composé pour 89% de blancs.

Repéré par Pierre Lemerle

Repéré sur

15.04.2015

VIDEO. Qui sont les „écrivains africains”? (Ma thèse en deux minutes)

LITTERATURE – Puisqu’on ne parle pas d'”écrivain européen”, alors pourquoi qualifie-t-on d’africain des auteurs nés dans un pays d’Afrique mais publiant en Europe ou aux Etats-Unis? Cette question qui part de la littérature nous emmène bien plus loin grâce à la thèse développée par le doctorant Eric Essono Tsimi, également blogueur au HuffPost.

Ma thèse en 2 minutes N°28 : les écrivains… par LeHuffPost

Quelques mots sur Eric Essono Tsimi. Il est doctorant en „psychologie culturelle”, à l’Institut de Psychologie de la faculté des sciences sociales et politiques de Lausanne. Sa thèse, en cours, s’intitule „Les processus psychosociaux à l’œuvre dans le développement de l’identité culturelle des écritures diasporiques: La contribution des écrivains migrants postcoloniaux à la postmodernité”. Dans ses travaux, il s’intéresse aux positionnements identitaires (postures médiatiques et figures narratives) des écrivains migrants africains. Il travaille à partir des corpus de ces trois auteurs: Patrice Nganang, Max Lobé et Alain Mabanckou.

Le palmarès des 20 meilleurs livres de l’année selon la rédaction de Lire

La rédaction de Lire a révélé ses 20 meilleurs livres de l’année 2014. Cette année, elle a choisi comme meilleur roman Le Royaume d’Emmanuel Carrère.

Meilleur livre : Le Royaume par Emmanuel Carrère (P.O.L)

Meilleur roman étranger : Et rien d’autre par James Salter (L’Olivier)

Finalistes : Les Réputations par Juan Gabriel Vásquez (Seuil) et Le Chardonneret par Donna Tartt (Plon)

Meilleur roman français : Réparer les vivants par Maylis de Kerangal (Verticales), ex-aequo avec L’Amour et les forêts par Eric Reinhardt (Gallimard)

Finalistes : La Petite Communiste qui ne souriait jamais par Lola Lafon (Actes Sud) et En finir avec Eddy Bellegueule par Edouard Louis (Seuil)

Révélation étrangère : Le Fils par Philipp Meyer (Albin Michel)

Finalistes : Entre les jours par Andrew Porter (L’Olivier) et Le Tabac Tresniek par Robert Seethaler (Sabine Wespieser)

Révélation française : Les Grands par Sylvain Prudhomme (L’Arbalète/Gallimard)

Finalistes : Si le froid est rude par Olivier Benyahya (Actes Sud) et La Condition pavillonnaire par Sophie Divry (Noir sur Blanc/Notabilia)

Premier roman français : Debout-payé par Gauz (Le Nouvel Attila)

Finalistes : Dans le jardin de l’ogre par Leïla Slimani (Gallimard) et Tram 83 par Fiston Mwanza Mujila (Métailié)

Premier roman étranger : Notre quelque part par Nii Ayikwei Parkes (Zulma)

Finalistes : Le Ravissement des innocents par Taiye Selasi (Gallimard) et Le Complexe d’Eden Bellwether par Benjamin Wood (Zulma)

Récit : Tristesse de la terre par Eric Vuillard (Actes Sud)

Finalistes : Le Météorologue par Olivier Rolin (Seuil) et Amour de pierre par Grazyna Jagielska (Les Equateurs)

Polar : Après la guerre par Hervé Le Corre (Rivages)

Finalistes : Ombres et Soleil par Dominique Sylvain (Viviane Hamy) et Un vent de cendres par Sandrine Collette (Denoël)

Roman noir : Une terre d’ombre par Ron Rash (Seuil)

Finalistes : 911 par Shannon Burke (Sonatine) et Ne reste que la violence par Malcolm Mackay (Liana Levi)

Enquête : Extra pure. Voyage dans l’économie de la cocaïne par Roberto Saviano (Gallimard)

Finalistes : Smart. Enquête sur les internets par Frédéric Martel (Stock) et Une si jolie petite fille par Gitta Sereny (Plein Jour)

Biographie : Fouché. Les silences de la pieuvre par Emmanuel de Waresquiel (Tallandier/Fayard)

Finalistes : Jules Ferry par Mona Ozouf (Gallimard) et Notre Chanel par Jean Lebrun (Bleu autour)

Histoire : Le Feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914 ? par Gerd Krumeich (Belin)

Finalistes : La Chute de Rome par Bryan Ward-Perkins (Alma) et Dictionnaire amoureux de la Résistance par Gilles Perrault (Plon/Fayard)

Autobiographie : Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas par Paul Veyne (Albin Michel)

Finalistes : Un homme amoureux par Karl Ove Knausgaard (Denoël) et Les Feux de Saint-Elme par Daniel Cordier (Gallimard)

Sciences : Le Code de la conscience par Stanislas Dehaene (Odile Jacob)

Finalistes : Plaidoyer pour la forêt tropicale par Francis Hallé (Actes Sud) et Pasteur et Koch par Annick Perrot & Maxime Schwartz (Odile Jacob)

Voyage : Les Oies des neigespar William Fiennes (Hoëbeke)

Finalistes : Pô, le roman d’un fleuve par Paolo Rumiz (Hoëbeke) et L’Oural en plein coeur par Astrid Wendlandt (Albin Michel)

BD : La Technique du périnée par Ruppert & Mulot (Dupuis/Aire Libre)

Finalistes : L’Arabe du futur par Riad Sattouf (Allary Editions) et Moi, assassin par Antonio Altarriba & Keko (Denoël Graphic)

Jeunesse : Adam et Thomas par Aharon Appelfeld (L’Ecole des loisirs)

Finalistes : Humains par Matt Haig (Hélium) et Le livre de Perle par Timothée de Fombelle (Gallimard jeunesse)

Livre audio : Eloge de l’ombre par Junichirô Tanizaki, lu par Angelin Preljocaj (Naïve)

Finalistes : L’Insoutenable Légèreté de l’être par Milan Kundera, lu par Raphaël Enthoven (Gallimard) et Une femme aimée par Andreï Makine, lu par Bertrand Suarez-Pazos (Thélème)

Par Lire pour LEXPRESS.fr

Livres maudits : les textes tibétains anciens

Depuis les temps anciens, des hommes ont tendance à penser que les œuvres qui renferment les informations sur les civilisations antiques sont d’origine extraterrestre.

C’est le voyageur Apollonios de Tyane a transmis cette croyance dans les pays occidentaux. Cet homme aurait vu de ses propres yeux le livre, apporté en Inde de la planète Vénus, qui à la fin du XVIIIe siècle s’appelait le Livre de Dzyan. Ce livre a causé beaucoup de problèmes à Helena Blavatsky, qui en a publié des extraits dans sa Doctrine Secrète.

Comment a-t-elle su que ce livre existait ? Pendant son voyage en Egypte, Helena Blavatsky, l’une des fondatrices de la Société théosophique, a rencontré un magicien d’origine copte, qui lui a parlé de l’existence d’un livre dangereux, qui est conservé dans un monastère tibétain. Selon lui, le Livre de Dzyan dévoile le mystère de la construction de l’Univers et jette la lumière sur la création de l’ordre mondial. Les sages tibétains auraient reçu ces connaissances depuis la planète Vénus, disait-il. Ces connaissances viendraient d’une intelligence supérieure, ou de la part des extraterrestres. Le mage a appris à Helena Blavatsky à déchiffrer les choses lire grâce à la clairvoyance.

Après cette visite au Caire, la jeune femme a senti des transformations miraculeuses dans son esprit. Elle a acquis des connaissances extraordinaires dans divers domaines de la science, ce qui lui a permis d’écrire plusieurs livres, comme La Doctrine Secrète ou Isis Dévoilée.

Mais après avoir reçu ce livre en Inde, Blavatsky a commencé à recevoir des menaces. Des inconnus lui demandaient de rendre le Livre de Dzyan. Ils exigeaient de détruire les notes qu’elle avait faites en le lisant. L’auteur des lettres que recevait constamment la spécialiste de théosophie, la menaçait de maladie grave. Blavatsky n’a pas réagi à ces menaces, et est tombée malade. Elle n’a pu guérir qu’au bout de trois ans, lors d’un voyage en Inde, où des médecins locaux l’ont soigné. Mais en 1871 un autre malheur est arrivé. Le bateau Eunomia, à bord duquel elle se trouvait lors d’une mission en Egypte, a explosé. Presque tous les passagers du navire sont morts, mais Helena Blavatsky a survécu à cette catastrophe.

De retour à Londres, Blavatsky voulait présenter au grand public le Livre de Dzyan. Mais pendant cette tentative de présentation, un inconnu a tenté de la tuer. Le suspect a été arrêté, et lors de l’interrogatoire, il a affirmé qu’il avait été manipulé à distance. Et lorsque le mystérieux livre disparut du coffre-fort de son hôtel, Blavatsky s’est rendue compte qu’un complot s’organisait contre elle. Lorsqu’en 1875, elle a organisé la Société Théosophique, chargée d’étudier toutes les religions et les doctrines philosophiques du monde, l’une des missions de cette société fut la recherche du Livre de Dzyan.

Quelques dizaines d’années plus tard, la fondatrice de la Société théosophique a réussi à mettre la main sur une copie du livre, écrite dans une langue inconnue. Elle a réussi à le traduire et à le publier en 1915 à San-Diego, à la maison d’édition Hermetic Publishing Company. La communauté scientifique a vivement critiqué cette publication et a organisé une véritable campagne pour discréditer les travaux de Blavatsky, indiquant que ses recherches « induisaient en erreur ». La spécialiste de la théosophie ne s’est jamais remise de cette persécution.

L’édition de 1915 de ce livre est actuellement conservée à la bibliothèque du Congrès des Etats-Unis à Washington. Mais le mystère persiste : ce livre contient-il vraiment des connaissances précieuses qui permettent de lire des livres à distance et qui rapporte l’essence des traditions spirituelles anciennes ?

Autor:Anna Fiodorova
Lire la suite: http://french.ruvr.ru/2014_11_02/Livres-maudits-les-textes-tibetains-anciens-3456/

Foto: Ancient Buddhist manuscript in Tibetan (དབུ་ཅན་: u-chen script) by Mongolian scholars. Pin adăugat de pe mongolinternet.com

Les cinq livres de Modiano qu’il faut avoir lus

<i>La Place de l'étoile</i>, <i>Rue des Boutiques Obscures et </i>Dora Bruder font partie des meilleurs romans de Patrick Modiano.

L’écrivain a décroché le prix Goncourt avec Rue des boutiques obscures en 1978, mais, dès son premier roman, La Place de l’étoile, publié en 1968, il fait une entrée fracassante en littérature.

Modiano est l’auteur d’une œuvre dense aussi bien en romans qu’en scénarios. Il a également écrit des chansons pour Françoise Hardy et Régine. Voici cinq de ses titres qu’il faut absolument avoir lus. Tous ces romans sont repris en poche chez «Folio». L’écrivain a également rassemblé dix de ses titres dans la collection «Quarto».

La Place de l’étoile (1968)

C’est son premier roman, il est atypique dans l’œuvre de Modiano. Une histoire dingue, presque parodique. Ce livre est composé comme un récit autobiographique d’un Juif antisémite au ton virulent et qui pense que la terre entière lui en veut.

Rue des Boutiques Obscures (1978)

L’écrivain obtient le prix Goncourt pour ce titre, qui illustre à merveille le travail de l’écrivain. Il s’agit de l’histoire de Guy Roland, un détective qui a, un temps, été amnésique, et à qui on a attribué une fausse identité. Il part à la quête de son propre passé qui le conduit en partie dans le milieu de l’émigration russe.

Dora Bruder (1997)

À partir d’une petite annonce parue dans un journal en 1941 qui fait état de la fugue d’une jeune fille («Née le 25/02/1926 à Paris 12ème»), le narrateur tente de retrouver la trace de cette jeune Juive de 15 ans des décennies après. Cette fugue le renvoie à sa propre enfance. Le roman se termine par ces mots superbes: «J’ignorerai toujours à quoi elle passait ses journées, où elle se cachait, en compagnie de qui elle se trouvait pendant les mois d’hiver de sa première fugue et au cours des quelques semaines de printemps où elle s’est échappée à nouveau. C’est là son secret. Un pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d’occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l’Histoire, le temps – tout ce qui vous souille et vous détruit – n’auront pas pu lui voler.»

Un pedigree (2005)

C’est sans doute le livre le plus autobiographique de Modiano qui tente de se souvenir de sa jeunesse jusqu’à la publication de son premier roman à l’âge de 22 ans. C’est sans doute aussi son titre le plus «sec» et le plus court. Il dit: «J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne.»

Lacombe Lucien (avec Louis Malle, 1974)

C’est le scénario du film de Louis Malle, qui l’a coécrit avec Modiano. Ce livre est important à deux titres: il montre le travail de scénariste de Modiano; et le fait que, même lorsqu’il s’attaque à d’autres registres, l’écrivain reste obsédé par son sujet et le trouble de l’époque. L’histoire est celle d’un jeune paysan français qui veut d’abord travailler pour la Résistance et se retrouve enrôlé par la Gestapo.

10 romans chez Quarto

Par ailleurs, les Éditions Gallimard ont rassemblé dix romans dans la collection «Quarto». Un recueil de dix titres publiés entre 1975 et 2010. Ces textes réunis forment une autobiographie imaginaire de Modiano, un lien avec son enfance, les personnages qui ont marqué sa vie, l’Occupation puis les années d’après-guerre… Il s’agit de Villa triste, Livret de famille, Rue des Boutiques Obscures, Remise de peine, Chien de printemps, Dora Bruder, Accident nocturne, Un pedigree, Dans le café de la jeunesse perdue, L’Horizon.

Un cahier spécial Modiano, aux Éditions de L’Herne

Le cahier est dirigé par Maryline Heck et Raphaëlle Guidée. Il évoque le parcours et l’œuvre du romancier à travers des études de spécialistes, des articles critiques, des entretiens, des témoignages et une volumineuse correspondance. Il contient également des inédits et des textes rares de l’écrivain.

autor: Mohammed Aissaoui

sursa: lefigaro.fr 

„Donner le Nobel à des écrivains est une farce grotesque”

PETER HANDKE. (©Mathieu Zazzo-Pasco)

PETER HANDKE. (©Mathieu Zazzo-Pasco)

Avec un roman et un essai, Peter Handke revient plus en forme que jamais. Rencontre exclusive chez lui, dans sa maison de Chaville.

Les chansons d’amour racontent n’importe quoi. Vous vous souvenez de «Tout ça parce qu’au bois de Chaville, y avait du muguet»? Le bois de Chaville n’existe pas. N’a jamais existé. A Meudon, oui, un peu plus haut. Il y aurait même sous ces futaies dévalant les collines de quoi nourrir l’imaginaire d’un poète en nymphes, brigands et ours.

Ou alors on parle de Fausses-Reposes, du côté de Versailles et de Ville-d’Avray, la forêt aux étangs mélancoliques que peignait Corot. Dans les abîmes ombrageux filent les sangliers et les fantômes prussiens de 1870.

Peter Handke est un marcheur sylvestre. Un marcheur qui ne cherche pas son chemin. Qui essaierait plutôt de le semer.

Il est bon de se perdre une heure par jour. C’est même nécessaire, absolument. Ça fait beaucoup de bien. Et on peut se perdre encore en France. C’est un privilège plus rare qu’on ne le croit. Prenez la Norvège, un pays réputé sauvage. Je suis allé d’Oslo à Bergen, avec ma fille, par le train. Eh bien je trouve la France plus mystérieuse que la Norvège.

Un temps, puis : « L’esprit souffle où il veut, comme il est dit.»

Balkanisation administrative

Peter Handke a toujours eu le génie de brouiller les pistes. Ses résidences, à l’image de ses livres, défient les cartes, troublent les frontières, dérèglent les passages, affolent les GPS. Ici, c’est comme si l’empire végétal, précipitant ses sombres feuillus le long des pentes abruptes, avait bousculé le reliquat urbain dans le même étroit vallon. Trois communes et deux départements se disputent la rue où vit l’écrivain ! D’un côté, c’est Chaville et les Hauts-de-Seine. Sur le trottoir d’en face, on est à Viroflay et dans les Yvelines. Et encore le haut de la voie est-il attribué à Vélizy-Villacoublay.

Ce phénomène remarquable de balkanisation administrative aura sans doute attisé son goût de la désorientation, du retrait, de l’absence, du no man’s land. A Salzbourg, à l’époque où il habitait encore en Autriche,Handke s’était retiré sur un nid d’aigle, le mont des Moines, où les taxis refusaient de monter. Il fallait prendre le funiculaire. Ou bien s’équiper de chaussures à crampons, empoigner l’alpenstock et gravir. Et encore fallait-il, tout là-haut, traverser la maison d’un tiers avant d’atteindre la sienne…

A Chaville où il est installé, l’auteur du «Malheur indifférent» a conservé à 71 ans la même silhouette élégante et mince, le même regard doux derrière les lunettes cerclées, la même moustache de bretteur romantique qui, sa mission secrète achevée, viendrait de déposer les armes à la mousqueterie. Sous son veston noir, fleuri par une pochette en dentelle immaculée, Handke porte un tee-shirt orné de caractères arabes.

Dans sa maison, offerte de tous côtés à la lumière malgré les thuyas géants qui la cernent, les livres s’entassent en piles instables, sur le plancher, les marches du perron, le vieux canapé. C’est le campement d’un nomade impénitent à qui il arrive de pousser jusqu’à Port-Royal des Champs et de jouer les jansénistes, son carnet de notes dans la poche. «La marche, c’est comme un empilement de quiétude», dit-il.

„Pas vraiment un romancier”

Son nouveau roman, « la Grande Chute », raconte vingt-quatre heures de la vie d’un comédien, depuis son réveil brutal, dans un lit qui n’est pas le sien, jusqu’au soir, dans l’attente de plus en plus douloureuse d’un événement énigmatique qui en ferait, il en a l’intuition, tandis que son esprit tente de s’occuper au tournage du lendemain, son «dernier jour».

Sa longue traversée de la forêt pour rejoindre la mégapole, ses rencontres hasardeuses avec des personnages dont on ne sait bientôt plus s’ils sont réels ou nés de son imagination exaltée par la tension du pressentiment créent ce que Proust appelait «la suggestion presque hypnotique d’un beau livre». Modeste, Handke se contente d’indiquer:

Je ne suis pas vraiment un romancier, mes intrigues m’échappent. Elles s’enfuient ou s’enfouissent. Je suis plutôt un prosateur lyrique. Avec des moments dramatiques. La littérature, à mes yeux, c’est l’aventure du langage, du langage qui s’incarne dans le sacré de la vie. Je ne recherche pas la pensée, mais la sensation. Disons que je suis un penseur de l’instantané. J’essaie de retrouver cette sorte d’allégresse propre aux récits fabuleux du Moyen Age, où à chaque page se dévoilait une surprise, dans l’imprévisible désordre des heures tournées et du chemin parcouru. J’y suis sans doute encouragé par le fait qu’en vieillissant je ne coupe plus mes textes, j’ajoute toujours, et ça finit par devenir épique. Un peu comme le „Peer Gynt” d’Ibsen.

« Peer Gynt » : une farce sur la solitude et l’identité du voyageur aux prises avec les illusions et les fourberies du vaste monde. Presque tous les grands livres de Handke traitent ce thème : l’homme qui part, l’homme en route. C’était déjà le cas des «Frelons», son premier titre en 1966, puis du «Colporteur», l’année suivante.

Peter Handke (photo : Mathieu Zazzo/Pasco)

©Photo : Mathieu Zazzo/Pasco

Handke, „brave petit”

« C’est un brave petit, tendre et faible, mais il parle sans arrêt de solitude», disait de lui autrefois son compatriote Thomas Bernhard, un maître en la matière. Il avait tout de suite reconnu sous le débutant le dangereux rival. Il précisait même avec un rien de perfidie, car la solitude en Autriche était alors une spécialité athlétique, susceptible à tout moment de tourner en championnat national: «Ce sont justement ceux-là qui ne peuvent pas rester seuls, parce que pour ça il faut faire un bel effort.» Jaloux.

Peter Handke a déjoué son pronostic. Il l’a fait, le «bel effort». Et comment ! Il en a même ajouté beaucoup dans la démonstration. Ses trésors sont ceux d’un vagabond. Sur la table d’écriture, près d’un sous-main illustré des principales espèces de champignons, s’étalent des coquillages fossiles du mésozoïque, vieux de deux cents millions d’années, récoltés du côté de Marquemont, dans une plaine du Vexin picard où il s’est trouvé un nouvel abri et a écrit cet «Essai sur le lieu tranquille», dans la veine fameuse des courts textes qui ont fait sa célébrité («Essai sur la fatigue», «Essai sur le juke-box»…) où il résume et dresse en quelque sorte la carte intime de ses retraits, de ses refuges, de ses cachettes. Une digression lumineuse qui se clôt sur ces mots: «Allez, en route, retournons vers les autres, loquace, rempli du désir de parler.»

Oui, admet-il en écho, j’aurais goûté la solitude, surtout pour le sentiment d’irréalité qu’elle procure. Mais il m’arrive aussi d’aller regarder un match de football à la télévision du café de la gare.

On remarque, accroché au-dessus du bureau, un calendrier postal de 1942, son année de naissance, à Griffen, en Carinthie. Il y a des photos. Là, sa mère, d’origine slovène, jeune femme très belle, entourée de ses parents et de ses frères. L’un d’eux, un paysan qui travaillait dans la culture fruitière, mort en déportation pendant la guerre, tenait son livre d’heures. Son manuscrit en langue slovène, calligraphié avec une application de moine copiste, fait office d’abat-jour à la croisée d’un salon, au-dessus d’un dispositif d’alarme qu’il protège du rayonnement solaire.

Milosevic : „la fin de l’histoire”

Par la fenêtre, on aperçoit dans le jardin un bas-relief représentant les Rois mages, reproduction exacte d’une sculpture de l’église de Griffen. Le vieux duché de Carinthie avait voté en 1920 son rattachement à la toute jeune Yougoslavie, pour fuir l’impérialisme autrichien. Il est bien là, cristallisé sur ces vestiges épars, le «bel effort» de solitude et d’exil dont parlait Thomas Bernhard.

Tout ça commence à faner un peu, les miens s’en vont, je viens d’enterrer mon frère, mais je les ai bien fleuris, je crois.

Il y eut d’abord ce long voyage qu’il entreprit, à pied bien sûr, comme un réfugié, dans l’ancienne Yougoslavie, lui le descendant de réfugiés, dans les pas de sa mère et avant celle-ci du père de sa mère, persécuté et menacé de mort par les germanophones pour s’être arraché aux serres de l’aigle impérial.

Ce n’était que le début d’une histoire qui déchira sa famille. On trouva au «Voyage d’hiver», où il en faisait le récit, des accents pro-serbes mais la polémique éclata après l’enterrement de Slobodan Milosevic, auquel il assista. Aujourd’hui, il dit: «Je voulais voir la fin de l’histoire.»

«Le Nouvel Obs » publia le billet incendiaire d’une journaliste qui le qualifiait de «révisionniste». Peter Handke fit un procès au journal, qui fut condamné pour diffamation. Une de ses pièces fut déprogrammée à la Comédie-Française. L’affaire lui a sans doute coûté le prix Nobel mais l’écrivain s’en amuse :

Les Nobel scientifiques, je veux bien. Mais il faudrait abolir celui qu’on donne aux écrivains, c’est une farce grotesque ! Tenez, je propose qu’on l’attribue au poète Adonis, pour qu’il s’achète à Courbevoie l’appartement de ses rêves. Et on s’arrêterait là-dessus: ça ferait deux grands services rendus à la littérature !

Jean-Louis Ezine

La Grande Chute, par Peter Handke,
traduit de l’allemand par Olivier Le Lay, Gallimard, 176 p., 17,50 euros;
Essai sur le lieu tranquille, du même auteur,
même traducteur, coll. «Arcades», Gallimard, 90 p., 9,50 euros.

PETER HANDKE est né à Griffen, en Autriche, le 6 décembre 1942. Il s’est fait connaître par „l’Angoisse du gardien de but au moment du penalty”, en 1970, que Wim Wenders porta à l’écran. Il est l’auteur de „la Femme gauchère” (le livre et le film), „Mon année dans la baie de personne” et „le Chinois de la douleur”. Il vient de se voir attribuer le prix Ibsen, pour l’ensemble de son oeuvre théâtrale. Il a traduit en allemand des oeuvres de Patrick Modiano, René Char, Francis Ponge, Emmanuel Bove.

Article paru dans „le Nouvel Observateur” du 7 mai 2014.

 

sursa

Etre écrivain aujourd’hui : « J’ai désactivé mon compte Facebook »

indexPhilippe Jaenada déteste le wifi, Maylis de Kerangal est gênée par le « gling » du mail qui tombe… Quatre écrivains nous racontent leur rapport à Internet et leurs techniques pour se concentrer quand ils écrivent.

L’écrivain fait un très beau métier : il peut travailler où, quand, et aux horaires qu’il veut. En version un peu plus sophistiquée, ça donne cette phrase de Le Clézio :

« J’écris d’un pays qui n’existe pas. […] Quand j’écris, je ne suis pas ici. Je ne suis pas non plus ailleurs. Je suis dans ce que j’écris, ou plutôt je suis ce que j’écris. »

C’est beau, hein ? 
Allez donc expliquer ça aux écrivains persuadés que rien de bon ne sortira de leur cerveau sans leurs rituels.

Bret Easton Ellis n’y arrive plus

Des lieux – Balzac ne travaillait que dans son lit, Rostand dans sa baignoire –, des moments – toute sa vie, Kant s’est fait réveiller par un domestique à 4h55 et écrivait jusqu’à 12h45 pétantes –, des objets – « H.G. Wells possédait deux stylos, l’un pour les mots courts, l’autre pour les mots longs », rappelle le magazine Sciences Humaines.

Ces rituels n’ont qu’un seul but : provoquer et maintenir la concentration. Mais comment la préserver au XXIe siècle ? Quand on reçoit cent mails par jour, que « les réseaux sociaux ôtent toute profondeur au temps » écrivait Mona Chollet sur Rue89, que l’époque est au zapping, que tout doit aller vite et qu’on ne prend le temps de rien.

Dans un entretien aux Inrocks, Bret Easton Ellis décrit son incapacité à se remettre à l’écriture d’un roman :

« Je ne sais pas si ça a un rapport avec la concentration, avec le rythme imposé par Internet mais je n’y arrive plus. »

« Je n’ai jamais voulu écrire »

Au Salon du livre de Paris, nous avons demandé à des romanciers comment ils parviennent à se concentrer à l’ère du numérique. Il y a ceux pour qui la question n’a pas de sens, qui n’ont aucun rituel, parlent d’écriture comme d’une pratique que la vie leur impose.

Comme l’académicien Dany Laferrière, qui vient de publier « L’Art presque perdu de ne rien faire » :

« A tout moment, on peut sortir de ce monde suractivé pour trouver sa concentration. Moi, je n’ai jamais voulu écrire, je ne cherche pas à écrire. »

Et il y en a d’autres.

« Je pense que je vais carrément débrancher ma box »

Philippe Jaenada

Philippe Jaenada sur le plateau de l’émission « Au Field de la nuit » sur TF1, le 7 février 2009 (GINIES/SIPA)

Pour Philippe Jaenada, le wifi est vraiment une sale invention. Pendant l’écriture de son dernier roman, « Sulak », toutes les soirées commençaient de la même manière :

« J’enlevais le fil qui reliait mon ordinateur à mon modem et j’allais le mettre sous l’oreiller à côté de ma femme qui dormait. Je travaillais alors toute la nuit avec la certitude que mon ordinateur était une boîte hermétique.

Maintenant, mon ordinateur est en wifi. Je pense que je vais carrément débrancher la box. Mais je ne suis pas sûr que mon fils de 13 ans va être très content. »

Pour écrire, le romancier a besoin d’avoir « la sensation d’être dans une forteresse d’où [il] ne peut pas sortir et où personne ne peut entrer ». Ça date de l’époque de son premier roman, dont il a commencé par écrire 60 pages en trois ans et demi :

« Je me suis dit que je n’y arriverai jamais. A l’époque, je me suis enfermé dans une maison dans un village de Normandie, en plein hiver. J’ai écrit 800 pages en trois mois. »

Sur Facebook : « Je reviendrai le 14 février 2015 »

Depuis, Jaenada travaille à heure fixe, « comme un guichetier à La Poste ». Avant, c’était de minuit à 6 heures du matin ; depuis qu’il a une vie de famille, il écrit en journée dans les conditions de la nuit, volets tirés, à la bougie, overdose de café. Personne n’a le droit d’entrer.

​Internet est un aimant à perte de temps. Alors qu’il attaque l’écriture d’un nouveau livre, le romancier a pris une décision radicale quant à son compte Facebook, où il pouvait passer trois ou quatre heures par jour à répondre aux messages de fans :

« J’ai commencé à écrire mon livre le 14 février. J’ai posté un statut pour dire que je reviendrai le 14 février 2015. Et j’ai désactivé mon compte. Plein de gens m’ont dit : “Tu es fou, tu n’y arriveras jamais”, comme si j’allais m’installer sur la Lune pendant un an… »

Pour le reste, l’écrivain trouve que les réseaux sociaux sont une bénédiction. Pour « Sulak », qui s’inspire de l’histoire vraie d’un ancien braqueur, il a consulté des tas de sites et d’archives de journaux en ligne :

« Et Facebook m’a été très utile. Je n’ai pas de portable. Plutôt que de passer par l’éditeur qui ralentit parfois un peu les choses, beaucoup de libraires, de médiathèques, de médias me contactent sur Facebook. »

« L’époque a rendu mon écriture plus ramassée »

Philippe Besson

Philippe Besson sur le plateau de l’émission « Au Field de la nuit » de TF1, le 12 décembre 2013 (GINIES/SIPA)

Philippe Besson assure qu’il est incapable d’écrire en France. Trop de sollicitations, trop de tentations, trop de temps perdu notamment sur les réseaux sociaux :

« A Paris, je suis en colère en permanence. J’utilise beaucoup Facebook et en quatre jours, j’ai, par exemple, dû faire dix posts sur Sarkozy, tellement cette histoire m’énerve. Je ne peux pas écrire dans ces conditions. »

Alors, le romancier part quelques mois par an à Los Angeles, « la ville du vide absolu », à neuf heures de décalage horaire. Il débranche, ne suit pas l’actualité française. Une connexion internet quand même, « juste pour appeler ma mère sur Skype ».

Le romancier n’associe pas l’écriture à des rituels, c’est « une obsession très heureuse » qui le pousse à travailler jusqu’à épuisement. Pas de problème de concentration, donc. Quand il n’avance pas assez vite à son goût, il change juste de lieu :

« Il y a le Joyce Café, près de Santa Monica Boulevard. Je m’y sens très bien. Dans un café parisien, je ne peux pas écrire mais là, le brouhaha me stimule, il est dans une langue qui n’est pas la mienne. »

« On a perdu le goût de la lenteur »

Il y a quelques années, Philippe Besson pouvait écrire six ou sept heures par jour. Aujourd’hui, il se lasse au bout de trois mais écrit ses livres plus vite qu’avant. C’est sans doute lié à l’époque « qui est poreuse », dit-il :

« Tout est devenu plus rapide dans la vie. On n’accepte plus de consacrer autant de temps qu’avant, à quoi que ce soit, tout doit être accessible tout de suite. On a perdu le goût de la lenteur. »

Il dit être le premier à ne plus supporter la lenteur. Et il estime que son style a changé :

« Mon écriture, qui était déployée, est devenue plus ramassée, plus courte. J’écris autrement, plus tranché, plus vif. Et je pense qu’il y a une part de responsabilité de l’époque. »

« La culture numérique, c’est le contraire de la dispersion »

Maylis de Kerangal

Maylis de Kerangal au Salon du livre à Paris, le 13 mars 2012 (BALTEL/LAMACHERE AURELIE/SIPA)

Pour Maylis de Kerangal, dont le dernier livre « Réparer les vivants » a reçu une pluie de récompenses, la société numérique n’a presque que des avantages :

« La culture numérique enrichit mon travail. Ce n’est pas du tout une perte de temps mais un atout, le contraire de la dispersion. On va plus vite sur les recherches.

Pendant l’écriture de mon dernier livre, j’avais un système de signets dont j’avais besoin : le site de l’agence de biomédecine, un site de carte topo, un site de surf pour les matériaux… »

La romancière dit qu’elle ne « croit pas à l’inspiration » mais que tout tient à la concentration. Et elle estime être plutôt douée pour la maintenir le plus longtemps possible.

« Cliquer sur les robes de stars sur le tapis rouge »

Elle travaille dans une chambre de bonne, de 9 heures à 18 heures, un cadre régulé par quelques rituels : jamais de nourriture à portée de main, beaucoup de cafés crèmes, une sieste de vingt minutes la tête posée sur le clavier, de la musique pendant les phases de réflexion mais pas pendant la rédaction.

Chaque journée commence par un temps de mise en route, une façon de préparer l’écriture tout en la retardant :

« J’allume l’ordinateur, je traîne sur les sites d’info, je m’attaque aux mails qui demandent une réponse rapide. Il y a beaucoup de café et de cigarettes. Je relis ce que j’ai fait la veille.

Je peux baguenauder sur Internet, cliquer sur les robes des stars sur le tapis rouge mais comme je suis impatiente de m’y mettre, le piétinement ne dure pas. »

« Le “gling” du mail qui tombe »

Maylis de Kerangal n’a pas de compte sur Facebook ni sur Twitter, ce serait une menace pour son temps. Déjà que la gestion des e-mails est une prise de tête :

« Tenir ma correspondance électronique, faire en sorte qu’il n’y ait pas des couches de mails qui fassent une espèce de sédimentation préhistorique, ça prend du temps sur l’écriture.

Au moment de “Naissance d’un pont”, je consultais mes mails à heure fixe. J’arrivais à m’y tenir en baissant le son. Ce qui est perturbant, c’est le “gling” du mail qui tombe. »

La romancière est satisfaite d’avoir su conserver « la culture du bloc, du temps long ». De parvenir à regarder la télé pendant quatre ou cinq heures d’affilée plutôt que de zapper sans cesse. Grâce à cette culture, sa concentration ne flanche presque jamais.

« J’ai supprimé mon compte Twitter et mon Tumblr »

Aurélien Manya

Aurélien Manya, 33 ans, fait face au grand défi des jeunes écrivains : il vient d’entamer la rédaction de son deuxième roman. Le moment où l’on comprend que c’est un métier, qu’il faut s’organiser, se discipliner :

« Je n’ai pas envie de mettre à nouveau cinq ans pour écrire un livre. Alors, j’aménage mon temps : je me force à écrire au moins trois heures par jour. Je lutte énormément pour rester concentré. J’ai supprimé mon compte Twitter et mon Tumblr. C’était une pollution de temps. »

L’auteur du « Temps d’arriver » est en train de se construire des rituels. Chaque jour, deux heures de marche et un film. Et une solution pour guérir l’angoisse de la page blanche : un journal intime dans lequel il écrit, en dernier recours, quand il n’a pas assez d’inspiration pour son livre.

« Les séries vont à l’encontre de la vitesse du numérique »

Monteur pour le cinéma, il est très inspiré par les nouvelles technologies. Les blogs de photo qu’il découvre sur Facebook, le Tumblr This isn’t happiness qu’il adore, les séries, comme « True Detective » ou « Top of the Lake », qu’il dévore, même si elles sont chronophages :

« Ça se rapproche beaucoup plus du roman que du cinéma. Ces séries sont des histoires qui durent douze heures, vingt heures : il y a une profondeur des personnages qu’on ne trouve souvent pas dans les films.

Les séries ont réinstallé un culte de la lenteur, elles vont à l’encontre de la vitesse du numérique. Un peu comme le succès des “mooks”, alors que les textes courts l’emportent sur le Net. La randonnée aussi marche de plus en plus. Plus on a une culture du zapping, plus rejaillit un besoin de lenteur. »

autor: Imanol Corcostegui

sursa: rue89 

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Concours : «Moi, je suis un grand cynique!»

Le tonneau Diogène, d'après un bas-relief de la Villa Albani, dessiné dans le t. II des Monuments inédits de Winckelmann.

Le tonneau Diogène, d’après un bas-relief de la Villa Albani,
dessiné dans le t. II des Monuments inédits de Winckelmann.

Le Magazine Littéraire lance, en partenariat avec le Cercle des nouveaux écrivains, un concours sur le thème du cynisme.

«Moi, je suis un grand cynique!» Vous rencontrez un homme qui se flatte d’être un Diogène moderne. Pour vous convaincre, il vous raconte quelques anecdotes de sa vie quotidienne. Décrivez cette scène, et les arguments de ce personnage, dans un récit d’environ 10.000 signes, que vous déposerez sur le site lecercledesnouveauxecrivains.fr. Date limite du concours : 15 avril 2014.

sursa: magazine-litteraire.com

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Survit-on au Nobel ?

Le prix Nobel de littérature, rêve ultime de tout écrivain ? Plus proche du cauchemar en vérité. Retour sur les déçus de Stockholm.

Avec Mo Yan, on aurait pu croire que l’Académie suédoise avait visé juste : « mondialement reconnu et apprécié » pour Libération, « grand écrivain » et « compromis politique acceptable » pour Le Monde, le premier Chinois à obtenir la récompense ultime (Gao Xingjian mis à part : le Nobel de 2000 avait la nationalité française depuis 1997) aurait dû faire un bel ambassadeur. L’ennui, c’est que cet ambassadeur est un peu trop lié au gouvernement, entre son ancienne carrière militaire, son statut de vice-président de l’Association des écrivains de Chine et sa carte de membre du parti communiste national. Depuis l’annonce du lauréat, dissidents et intellectuels n’en finissent pas de commenter cette victoire, assimilée à une « catastrophe » par Herta Müller, elle-même victorieuse en 2009, dans le journal suédois Dagens Nyheter (repris par le Guardian). Lors de son discours de réception qui s’est déroulé à Stockholm le 6 décembre, Mo Yan a ainsi dû se justifier sur les polémiques suscitées par son sacre. « J’ai eu le sentiment que la personne visée n’avait rien à voir avec moi », a-t-il déclaré. Ce ne serait donc pas l’homme qu’on attaque, mais ce qu’il incarne, ou plutôt ce qu’il doit incarner maintenant que son nom est associé au Nobel.

On le sait, le Nobel de littérature ne récompense pas seulement les qualités littéraires d’une œuvre, mais sa symbolique dans un contexte géopolitique global. Selon Josepha Laroche, auteur de Les Prix Nobel, sociologie d’une élite transnationale (éd. Liber), il n’y a même aucune « équation entre la valeur littéraire et le Nobel. Un grand écrivain novateur ne mérite pas forcément le prix. Il s’agit d’incarner dans sa personne, mais aussi dans son œuvre, des valeurs de respect des droits des peuples. Le Nobel, y compris en littérature, a pour horizon la pacification des relations internationales. » Dans cette mesure, on comprendra que Louis-Ferdinand Céline et Ezra Pound n’aient jamais été nommés, sans doute écartés pour leurs prises de positions antisémites et fascistes. De même, l’Argentin Jorge Luis Borges qui, s’il a souvent figuré sur les listes, n’a, dit-on, pas été retenu, soupçonné de bons rapports avec le général Pinochet (il avait été photographié serrant la main du dictateur).

Ceux qui reçoivent le Nobel ont, tacitement, mission d’exemplarité. Cette stature induite par le prix, c’est précisément ce que redoutait Jean-Paul Sartre. En 1964, alors que la rumeur court qu’il pourrait être choisi à Stockholm, il s’empresse d’envoyer une lettre au secrétaire de l’Académie, expliquant qu’il « désire ne pas figurer sur la liste des lauréats possibles », pour des raisons « personnelles » et d’autres plus « objectives ». La lettre n’arrive pas à temps et Sartre, comme prévu, est récompensé. Autre missive, en forme de confirmation: « L’écrivain, précise-t-il cette fois, doit […] refuser de se laisser transformer en institution même si cela a lieu sous les formes les plus honorables comme c’est le cas. » Un seul autre écrivain a refusé le Nobel, le Russe Boris Pasternak, en 1958 – pour des raisons fort différentes : Khrouchtchev le menaçait d’exil à vie s’il l’acceptait. Acculé, il abdique « à la lumière de la signification donnée à cet honneur dans la communauté à laquelle [il] appart[ient] ».

Une fois nobélisé, on ne parle plus seulement en sa propre voix mais, semble-t-il, pour le bien commun. Qu’un lauréat se permette une sortie sur un sujet sensible, et il en paye immédiatement les conséquences. Ainsi de José Saramago (lauréat 1998) qui voit son œuvre boycottée en Israël quand, en 2002, il compare la situation de la Palestine « à ce qui s’est passé à Auschwitz ». Malaise également lorsque Doris Lessing (lauréate 2007) estime que « le 11 Septembre n’a pas été aussi terrible» que les actions sanglantes de l’Armée républicaine irlandaise. La romancière britannique, qui a son franc-parler, n’hésite pas, par ailleurs, à se plaindre des conséquences du Nobel sur son travail.

«Tout ce que je fais, c’est accorder des interviews et me faire prendre en photo », explique-t-elle dans un entretien avec la BBC, en mai 2008. La même année, elle publie Alfred et Emily (éd. Flammarion), qu’elle présente au Times comme son dernier livre. «Je n’ai plus l’énergie pour écrire en ce moment», avoue-t-elle. Lessing est l’auteur le plus âgé à avoir reçu le Nobel de littérature, elle avait 88 ans. Ses livres les plus importants avaient déjà été écrits – c’est, du reste, le cas de la grande majorité des lauréats. Le Nobel revient-il alors à signer la fin d’une carrière ? Récompensé en 1994, le Japonais Kenzaburō Ōe déclara qu’il n’écrirait plus de romans après le Nobel. Il a depuis repris la plume dans les médias pour militer contre le nucléaire au Japon, plus porte-drapeau qu’écrivain en exercice.

Dans ces conditions, rien de très réjouissant à être honoré par l’Académie. En 1950, l’année où William Faulkner obtient le prix, son œuvre est bel et bien derrière lui. Comme le rappelle Mathieu Lindon dans une enquête publiée dans Libération, il n’écrira plus que « son roman le moins admiré, Parabole, en 1954, ainsi que la Ville (1957) et le Domaine (1959), qui closent la trilogie Snopes commencée par le Hameau en 1940 (sans compter les Larrons, roman moins ambitieux, paru en 1962, l’année de sa mort). » À ce moment de sa vie, la cinquantaine fatiguée, Faulkner estime qu’il « ne reste probablement plus grand-chose dans la citerne. » Il va tout de même recevoir sa récompense à Stockholm, qu’il range ensuite dans une boîte à cigares, comme un souvenir d’enfance. Ce Nobel qui lui a apporté fortune et notoriété, il n’en voulait pas, en premier lieu parce qu’il impliquait la perte de sa vie privée, droit qu’il plaçait au-dessus de tout. En 1969, un autre homme discret remporte le Nobel de littérature, il s’appelle Samuel Beckett. L’auteur d’En attendant Godot (éd. Minuit) était déjà reconnu, mais il s’apprête à gagner une notoriété mondiale. Et quand elle l’apprend, son épouse, Suzanne, qui connaît bien l’homme, n’a qu’un mot : « Quelle catastrophe ! »

Par Thomas Stélandre

Je suis le petit éditeur qui dit non à tous ces écrivains merveilleux

Un livre ouvert (Rubber Dragon/Flickr/CC)

Sur Internet, comme dans la version papier de quelques magazines, fleurissent régulièrement des articles sur les lettres de refus envoyées par des maisons d’édition aux auteurs.

Souvent sur un ton critique, voire emplis d’ironie, ces textes ont tendance à présenter l’édition comme une grosse machine sans âme, incapable de se mettre à la hauteur de ces merveilleux écrivains. Et si les fautifs n’étaient pas toujours dans le camp visé par la majorité ?

Pour vérifier, nous avons eu envie de partager quelques exemples vécus par notre petite structure indépendante, Les éditions du Lamantin*.

La fameuse ligne éditoriale… et oui

« Indépendamment des qualités de votre texte, il ne s’intègre pas dans notre ligne éditoriale. »

N’en déplaise à certains, le concept existe. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’une petite maison. Pour se forger une identité autant que pour rester dans son domaine de compétence, un éditeur qui démarre préfère publier ce qu’il maîtrise le mieux.

Pour nous, il s’agissait de fiction et en particulier de littérature policière. Nous l’annoncions sur notre site Internet, sur notre catalogue, nous ne voulions publier que des romans, en particulier des polars centrés sur le réel et l’humain (les personnages passent avant l’action).

Nous avons pourtant reçu des manuscrits de récits, de témoignages, de poésie, d’heroic fantasy… Mieux, un auteur à qui nous avions refusé un texte de science-fiction nous en a soumis un deuxième, du même genre littéraire, juste parce que nous lui avions eu « la gentillesse » de lui faire part de remarques sur son précédent texte.

« Vous m’en voulez pour une raison que j’ignore »

Pour bon nombre d’auteurs débutants, l’éditeur est une sorte d’intermédiaire permettant de financer l’impression et la diffusion de son livre. Le premier rôle de l’éditeur, sur le texte lui-même, est nié. Ainsi, nous avons eu à plusieurs reprises des échanges proches de l’absurde avec des auteurs. La première catégorie, la plus logique, est celle des écrivains qui acceptent mal les refus.

Depuis la création de notre maison d’édition, nous nous interdisons les lettres types et agrémentons nos courriers de remarques ou de conseils aux auteurs. Certains donnent l’impression de préférer les courriers types et répondent parfois avec virulence.

Un auteur qui nous proposait un texte à destination des enfants et à qui l’on reprochait de nombreuses fautes de français nous a ainsi d’abord rétorqué qu’il faisait « du burlesque », avant d’accuser nos lecteurs d’être « diaboliques ». Les rapports ne sont pas forcément plus simples lorsque nous proposons de nous engager sur un texte.

Un auteur, à qui nous avions proposé une publication, sous réserve de modifications dans son texte, nous a répondu un courrier de trois pages, reprenant point par point nos arguments, nous expliquant que nous n’avions pas compris son texte. Il voulait pourtant toujours le publier avec nous, mais sans nos modifications.

Un autre, refusant de prendre nos commentaires en considération nous a sorti l’argument suprême :

« Vous m’en voulez pour une raison que j’ignore. »

Que répondre à cela ?

« Je préfère m’adresser aux grands »

« Je préfère m’adresser aux grands, une petite maison ne m’apportera pas grand chose », a-t-on reçu un jour de la part d’un auteur dont nous avions refusé un texte. Ah bon, mais alors pourquoi nous avoir contactés ?

Un autre auteur, à qui nous proposions un contrat pour son premier roman, l’a refusé, nous expliquant qu’il ne voulait s’engager qu’à la seule condition que le tirage initial soit de plusieurs milliers d’exemplaires. Un tirage de gros éditeur, donc…

En conclusion, le petit éditeur n’est pas franchement différencié de l’éditeur qui publie à compte d’auteur. Trop souvent, certains écrivains débutants estiment qu’on peut lui envoyer tout et n’importe quoi, sans tenir compte de ce qu’il publie (« on ne peut quand même pas connaître tous les éditeurs français, n’est-ce pas ? »).

Des livres même pas vendus en supermarché

Ce qu’ils accepteraient peut-être d’un grand, qui les ferait passer à la télé ou avoir des articles dans les grands magazines (voire sur leurs pages internet), ils ne sont pas prêts à l’entendre d’un petit, dont les livres ne sont même pas sûrs d’être vendus dans nos supermarchés.

Dans un monde littéraire parfait, l’éditeur ne recevrait qu’un pourcentage infime des manuscrits proposés actuellement. Concentré sur des textes entrant dans son champ professionnel, il n’aurait plus ce regard désolé vers la pile non lue, souvent destinée à être recyclée en feuilles de brouillon. Il ne perdrait plus ce temps qui explique souvent les délais de réponse. Et la frustration, celle des auteurs comme celle des lecteurs professionnels, serait d’autant diminuée.

Alors chiche, on s’y met ? On arrête d’envoyer ses manuscrits comme autant de bouteilles qui créeraient une pollution marine trop importante.

*Les éditions du Lamantin
L’association créée en 2008 a publié une dizaine de livres (polars, recueils de nouvelles liées au voyage), et des textes issus d’ateliers d’écriture mis en place dans des écoles et collèges. Leur prochaine publication est « Basse Tension », de Jérémy Bouquin (à paraître en octobre 2013).

par Delphine Hervo | Editrice, 26/08/2013

source: rue89.com-culture

Un siècle d’écrivains : Emil Cioran

L’un des rares documentaires en français (si ce n’est le seul) sur la vie de l’un des écrivains francophones (mais non français) les plus doués du vingtième siècle.

Insomniaque, hanté par la mort, doté d’un style remarquable, Emil Cioran s’est rarement livré sur lui-même ou sur sa vie. En février 1986, il accorde un entretien à Anca Visdei pour Les nouvelles littéraires, dont voici quelques citations :

„Je crois qu’il n’y a qu’une chose qui explique et justifie les livres : leur valeur thérapeutique. Si je n’avais pas écrit, j’aurais pu faire des choses monstrueuses. Or, il vaut mieux, plutôt que de casser la geule d’un type qui vous déplaît, l’attaquer par des aphorismes. La seule fonction de l’écriture : une vengeance sans risque. On n’attaque pas seulement des personnes (d’ailleurs elles survivent à vos attaques) mais surtout Dieu. Ce sont les mauvais sentiments qui passent dans les livres. Tout ce que j’ai écrit part d’une expérience personnelle. Pour chaque ligne de mes livres, je peux dire l’événement, l’heure et le jour qui m’ont inspirée. Tous les livres ne sont que des confessions plus ou moins camouflées. Je vis l’écriture comme une action : lorsqu’on a écrit deux ou trois trucs dans lesquels on excécute l’Univers, on peut aller se promener.”

„Pendant vingt ans, avec presque rien, ma substance se trouvait assurée. Je vivais dans un hôtel bon marché et je mangeais dans les restaurants universitaires. Un des jours les plus sombres de ma vie a été celui où l’on m’a convoqué à l’université pour m’annoncer que la limite d’âge pour accéder aux foyers d’étudiants était de vingt-sept ans. Comme j’en avais quarante, cétait fini. Tous mes projets, tout mon avenir, se sont écroulés ce jour-là. Je me voyais si bien en éternel étudiant, raté et pauvre, traînant avec d’autres déchets de mon espèce au quartier Latin. Cela correspondait si bien à ma vision du monde !… Je me disais : il faut tout faire sauf travailler. Par là, j’entendais : faire un travail qui ne vous plaît pas. Pour moi, c’était le bureau, l’enseignement. Je ne trouve pas que la vie vaut la peine d’être vécue s’il faut acomplir un travail qui ne vous intéresse pas. Et pourtant, quatre-vingt dix-neuf pour cent des gens font des choses qu’ils n’aiment pas. La vie ainsi vécue n’a aucun sens. Elle condamne le monde, la société et l’homme. Si c’est pour en arriver là, il valait mieux rester à l’état de nature.”

„Après Shakespeare, on aurait dû arrêter d’écrire des pièces de théâtre et après Dostoïevski, arrêter d’écrire des romans. Mais l’homme est condamné : il ne peut qu’avancer et se briser. Je peux signer cela devant notaire. Je sais que l’avenir nous condamne. Je ne donnerai pas de délai car je ne veux pas me compromettre. Pour la date, j’hésite, pour la chose : non !”

„J’ai le complexe de l’étranger : je sais que je ne peux pas me permettre toutes les audaces, les oublis et les violences en français. Toutes ces choses que l’on fait naturellement, d’instinct, dans sa langue, on en est conscient dans une langue étrangère, même si on la possède parfaitement. On reste toujours conscient du fait que les mots existent indépendamment de vous. Cet intervalle entre vous et l’instrument-verbe est la raison pour laquelle il y a très peu, presque pas de poètes écrivant dans une autre langue que leur langue maternelle. Le Rilke des Cahiers de Malte voulait à tout prix être un poète français. Il connaissait très bien la langue mais son pari était impossible. En tant que poète, Rilke n’existe pas par ses poèmes français. Il y a un côté puéril, il y a cet intervalle entre le sujet et l’écriture. Lorsque les mots existent en dehors de vous, il est impossible de faire de la poésie avec. La poésie est en vous. Un métèque doit être conscient que, dans sa nouvelle langue, il ne peut pas exprimer cette mort souterraine de l’âme qu’est la poésie. On peut devenir poète dans une langue qu’on apprend à cinq ans. Ensuite, c’est trop tard.”

„La philosophie a été pour moi une grande déception. Je ne l’ai compris qu’après m’y être totalement confiné pendant des années. C’est une discipline dangereuse car le contact avec elle engendre un mépris total pour tous ceux qui sont en dehors. Ceux qui la pratiquent, étudiants et professeurs, sont le plus souvant des types prétentieux. La philosophie flatte l’orgueil ; elle vous donne une idée fausse de vous et du monde. Il faut l’avoir connue mais uniquement pour la dépasser. Elle vous ouvre des horizons mais ce qui compte avant tous c’est le contact avec la vie, les épreuves. La philosophie ne vous aide, au mieux, qu’à formuler. Le langage philisophique est peu approprié aux expériences strictement personnelles. En philosophie par exemple la douleur n’est pas admise. On laisse „ça” aux curés et aux mauvais écrivains.”

„Changer de langue pour un écrivain est un phénomène aussi grave que pour un homme de changer de religion, disait Simone Weil. L’écrivain retire l’illusion d’une nouvelle vie, d’un nouvel univers. Je suis formel : si un écrivain étranger (j’entends par là uniquement ceux qui ont déjà publié dans une autre langue, qui ont eu une première carrière d’écrivain) veut se mettre au français, il lui faut complètement écarter la langue maternelle. On me dit parfois : „Mais ma femme veut parler dans notre langue.” Je réponds : „Un seul remède : le divorce.”

„On me dit souvent : „Malgré ce que vous écrivez, vous êtes un des hommes les plus gais.” J’ai beaucoup ri en effet dans ma vie mais cela ne prouve rien. Rire est un acte libérateur. Je viens de recevoir une lettre de Roumanie. D’un ami qui pense au suicide. Il me demande conseil. Je lui ai répondu : „si tu ne peux plus rire, fais-le !” Le rire c’est un acte de supériorité, un triomphe de l’homme sur l’univers, une merveilleuse trouvaille qui réduit les choses à leurs justes proportions.”

par Al West samedi 29 juin 2013

sursa: agoravox

Olivier Bessard-Banquy : «Les écrivains sont devenus des produits»

Olivier Bessard-BanquyOlivier Bessard-Banquy, ancien éditeur, est aujourd’hui spécialiste de la littérature et de l’édition contemporaines. Il a publié chez Pocket en septembre 2012 une enquête sur le monde de l’édition : « L’industrie des lettres », où il dénonce les travers de ce petit milieu.

Rue89 : Pensez-vous que les écrivains doivent être des personnages publics aujourd’hui ?

Olivier Bessard-Banquy : Bien sûr, il n’y a pas de raison qu’à la télévision nous ne puissions jamais voir que des chevaux roumains, des starlettes qui ont abandonné leurs études en CE2 et des sportifs condamnés à des morts rapides à cause des produits illicites dont ils ont abusé.

Les auteurs – je préfère ce terme à celui d’« écrivains », qui convenait au temps de Victor Hugo, un peu moins aujourd’hui – eux aussi veulent connaître les joies de la médiatisation, pour faire croire aux étourdis que ce monde merveilleux peut encore générer une littérature riche et intense à destination de millions de lecteurs ébahis.

Ils sont d’autant mieux reçus sur les plateaux des talk-shows qu’en général, soyons honnêtes, certains semblent avoir réservé pour leurs seules prestations le meilleur de leur pensée, au détriment de leurs livres, d’une platitude affligeante. Leur meilleure œuvre tient souvent en deux phrases distillées sur M6 ou TF1.

Que pensez-vous de cette hypermédiatisation des écrivains ?

Elle est merveilleuse. Elle rappelle aux gens qui n’aiment pas la littérature qu’il a un jour existé une autre France, où la littérature a pu sembler d’une importance comparable à celle du football ou de la banque aujourd’hui.

Bref, cette hypermédiatisation des auteurs fonctionne un peu comme la transformation des centre-villes en musée, ou la journée des voisins pour faire croire à un monde encore humain ; elle fonctionne comme un cache-sexe pour masquer ce que sont devenues les pratiques culturelles d’aujourd’hui, pratiques de divertissements pour l’essentiel exclus si possible de toute forme de pensée un tant soit peu élaborée.


Cela ne fait-il pas passer l’auteur avant le texte ?

Il y a belle lurette que l’auteur est devenu une marque, un label, un investissement hier à long terme, aujourd’hui à plus court terme, les actionnaires ayant désormais très envie de toucher leurs dividendes de leur vivant, alors que Gaston Gallimard a plutôt travaillé pour ses enfants ou ses petits-enfants. Dès que la littérature est devenue industrielle, les auteurs sont devenus des produits.

Raymond Radiguet, déjà, bien avant de donner « Le Diable au corps », était un jeune journaliste prodige, bien en vue dans le Paris des lettres. Ce n’est pas pour le génie de son œuvre mais pour son potentiel à pouvoir faire le buzz par sa position éminente dans le Landerneau parisien que Grasset a décidé de miser sur lui et de le lancer notamment par un clip au cinéma.


La télévision est considérée comme le média le plus vendeur, mais encore
 faut-il « bien passer » à la télé. Qu’en pensez-vous ?

Les écrivains beaux sont favorisés à juste titre. Il y a de grands risques de chute d’audience si trop de laiderons apparaissent d’un coup à l’écran. Mais, plus que des « beautiful people », les médias cherchent des « bons clients », des auteurs hystériques, fous, ingérables, bref, des acteurs capables de faire le spectacle.

Certains, comme Christine Angot, particulièrement doués, l’ont très bien compris et ne sont devenus connus que par leurs prestations télévisuelles, agressant leurs confrères sur le plateau, ou surjouant une feinte indignation face à la moindre idée en très légère rupture avec le ronron de la bien-pensance contemporaine.

Que pensez-vous de cette valorisation de l’écrivain en tant que
 personne physique ? Le culte de la beauté n’est-il pas en train 
d’empiéter sur le domaine littéraire ?

Absolument pas. Ces auteurs beaux dont vous parlez produisent, avec l’aide de leur maison d’édition, des livres moches à destination de personnes qui par définition n’aiment pas la littérature. S’ils se déterminent dans leurs choix de lecture en fonction du physique de l’auteur, ce ne sont donc pas de grands lecteurs de Bossuet ou de Scarron, tous deux connus pour avoir été fort laids et pour avoir écrit des livres fort beaux.

S’il faut donc désormais aller chercher le secours de top models pour défendre la cause des lettres, il faut se féliciter que ces people, qui auraient bien plus à gagner à jouer dans des pubs pour Coca-Cola qu’à essayer de vendre des romans de gare, aient quand même choisi de s’engager dans cette seconde voie bien ingrate.

Avez-vous remarqué ce type de comportement lors de votre enquête
 sur l’industrie des lettres ?

Etrangement tous les éditeurs que j’ai rencontrés m’ont vanté comme un seul homme le talent fou de leurs auteurs, pour ne pas dire leur génie. Je suis allé dans certaines maisons de best-sellers où j’ai été reçu comme aux éditions de Minuit. Je dois dire que je me suis beaucoup amusé.

A les écouter, dans l’édition, tout est le fruit du génie spontané, il n’y a ni nègre ni traficotage des textes. Les meilleurs manuscrits sont sélectionnés à l’aveugle par des fous de littérature qui travaillent pour la gloire, et puis un jour le plus beau de ces chefs-d’œuvre reçoit sur la seule base de son mérite le prix Goncourt. Cette belle histoire m’a ému aux larmes.

Si un éditeur considère qu’un écrivain est 
plus rentable s’il correspond à une certaine image, quelles dérives en découlent ?

Bien sûr, il existe des personnes qui sont en quelque sorte chargées d’incarner l’auteur, tandis que des soutiers de l’édition mettent en forme des textes qui ont parfois été livrés à l’état de brouillons innommables. Pourquoi pas ? L’essentiel est d’arriver à la mise au point d’un produit vendable.

Quand vous entendez un auteur trash connu qui à la radio s’exprime comme un charretier et que ses textes ensuite semblent avoir été comme inspirés par Chateaubriand, surtout si le livre peut avoir sa chance au Goncourt, vous pouvez imaginer que ce n’est pas tout à fait le fruit du hasard…

Ainsi va la vie du livre. Plus l’édition doit produire à destination d’un grand public de moins en moins lettré et plus la production est frelatée, trafiquée, pour être réduite à quelque chose qui est à la littérature ce que le Loft a été à la télévision.

autor: Clémentine Baron | Journaliste 

sursa: Rue89

Qui étaient les frères Goncourt ?

Succédant à Alexis Jenni (lauréat 2011), c’est Jérôme Ferrari, qui vient de recevoir le célèbre prix Goncourt pour son roman Sermon sur la chute de Rome. Attendu chaque année avec impatience, tant par les écrivains que par les lecteurs, le prix Goncourt, à la dotation symbolique de 10 euros n’en est pas moins la récompense la plus prestigieuse du monde littéraire français. Pourtant, avant de devenir un nom commun (« le Goncourt de l’année… »), Goncourt était un nom propre.

Contrairement à leur Académie et au prix qu’elle décerne, les frères Goncourt n’ont jamais atteint le succès dont ils rêvaient et leur œuvre très peu lue aujourd’hui, n’est pas parvenue à la postérité. La remise du prix, en ce 7 novembre 2012, est l’occasion de vous présenter la vie et l’œuvre de Jules et Edmond de Goncourt. Place aux retrouvailles…

Bouvard et Pécuchet

Edmond de Goncourt est né à Nancy en mai 1822. De huit ans son cadet, Jules voit le jour pendant les troubles politiques de 1830. Leur père meurt alors qu’ils sont encore enfants, et seulement deux ans après leur sœur est emportée par le choléra. Les deux garçons se trouvent seuls avec leur mère dont ils sont très proches. Ils font des études brillantes et Edmond commence une carrière de comptable qu’il exècre. Lorsque leur mère décède à son tour, en 1848, ils sont déjà adultes mais n’en sont pas moins effondrés. Dès lors, Edmond, âgé de 26 ans, se considère comme responsable de son frère : « Ma mère, sur votre lit de mort, vous avez mis la main de votre enfant chéri et préféré dans la mienne, en me recommandant cet enfant avec un regard qu’on n’oublie pas. » Il veillera sur lui avec des attentions paternelles, jusqu’à sa mort.

La même année, Edmond abandonne son poste au ministère, qui lui pesait tant, et puisque leur héritage permet aux deux frères de vivre assez confortablement, ils décident de se consacrer à l’art et à la littérature. Edmond qui se plait depuis l’adolescence à chiner, commence à collectionner des œuvres d’art ou des bibelots d’une certaine valeur. Tels Bouvard et Pécuchet (dont on se demande s’ils n’ont pas fourni le modèle), les deux frères s’intéressent à tout. Ils se sont eux-mêmes essayés au dessin, à l’aquarelle, aux techniques de l’eau-forte et de la gravure, se sont improvisés antiquaires, historiens, journalistes et enfin romanciers.

L’écriture artiste

« Bibeloteurs » de génie, ils semblaient parfois s’intéresser aux objets plus qu’aux hommes. Ainsi, dans leur Histoire de la société française pendant la Révolution, ils ne racontent que très brièvement les évènements, mais s’attardent plus volontiers sur les bijoux révolutionnaires : «Bagues faîtes avec des pierres de la Bastille enchâssées», «alliances civiques et nationales, émaillées bleu,  blanc et or», «tabatières de faïence aux trois couleurs», ou «boucles d’oreille constitutionnelles en verre blanc jouant le cristal de roche et portant écrit la patrie». Ce goût pour le détail, résultat de l’observation minutieuse, sera à la source de l’«écriture artiste» des Goncourt, chez qui le détail fait tout. Ils se raillent mutuellement et s’appellent «anecdotiers».

Leur style littéraire est basé sur deux grands axes : d’une part le réalisme (l’observation du réel et le «document humain» comme source unique de l’invention) et d’autre part, ce qu’ils appelaient «l’écriture artiste», dans laquelle le réel est considéré comme le sujet artistique par excellence. Ils rejetaient les modèles du passé au-delà du XVIIIe (leur modèle de prédilection était La Bruyère) et se tournaient vers la nouveauté et l’invention formelle. Ainsi, après avoir observé avec le regard du scientifique, il s’agissait de trouver les mots les plus justes – dusse-t-on les inventer – pour rendre le réel. Le paradoxe des Goncourt réside dans l’utilisation de l’écriture artiste, considérée comme maniérée, pour décrire des scènes de la «réalité crue». C’est sans doute ce décalage surprenant qui a limité le succès éditorial de leurs romans.

Une œuvre oubliée

De l’œuvre des Goncourt, on a surtout retenu le Journal, qui pourtant n’était pas destiné à être publié. C’est seulement après la mort de Jules qu’Edmond a commencé à faire éditer les cahiers, (après les avoir expurgés du pire), mais les frères n’y accordaient que peu d’importance, toutes leurs attentes se portaient au contraire sur leurs romans.

Le premier, écrit à quatre mains, s’intitulait En 18.. et narrait les aventures d’un artiste au XIXe siècle. Ce fût un échec éditorial complet, mais les Goncourt loin de se remettre en cause, considéraient que l’insuccès était dû au coup d’État de 1851, survenu, comme par fait exprès, le jour de la parution du livre. Ils racontent leur déception, juste après avoir appris la nouvelle du coup d’État : « Nous nous jetions à bas de nos lits, et bien vite nous étions dans la rue. Dans la rue, les yeux aussitôt aux affiches – et égoïstement, nous l’avouons, – au milieu de tout ce papier fraîchement placardé, proclamant un changement de régime pour notre pays, nous cherchions «la notre d’affiche», l’affiche qui devait annoncer à Paris la publication d’En 18.., et apprendre à la France et au monde, les noms de deux hommes de lettres de plus : MM. Edmond et Jules de Goncourt.»

Plus tard, ils admettront à demi-mot les défauts de l’ouvrage : « En 18.. notre premier enfant, si choyé, si travaillé et retravaillé pendant un an… Première portée dont il n’y a pas à rougir, parce qu’elle contient en germe tous les côtés de notre talent, et tous les tons de notre palette, un peu outrés encore et trop vifs. »
Après cette première déconvenue, les frères n’abandonnèrent pas pour autant l’écriture, ils publièrent ensemble une petite dizaine de romans, parmi lesquels Germinie Lacerteux, qui eut un certain succès. Jules et Edmond de Goncourt souhaitaient par le roman «créer la plus vive impression du vrai humain». Successeurs des grands réalistes Balzac et Flaubert, ils prônaient un réalisme plus poussé, n’hésitant pas à faire appel à la rigueur scientifique. D’ailleurs, des années plus tard, quand Zola a été nommé comme l’initiateur du courant naturaliste, Edmond criait à l’usurpateur et revendiquait haut et fort la paternité du mouvement littéraire.

Le Journal des Goncourt

Edmond et Jules, dans leur oisiveté, participaient à une vie culturelle foisonnante. Paris est alors en pleine mutation. L’industrialisation amène les grands magasins et la modernisation de la ville. En littérature, le salon de la Princesse Mathilde de Bonaparte, où l’on ne manquait jamais de croiser les deux frères, est bientôt remplacé par des réunions au café ou des dîners, notamment «chez Magny». Très impliqués dans ces rencontres (Edmond organisera d’ailleurs ses propres réunions, chez eux, quelques années après la mort de Jules), les Goncourt en profite pour se prêter au jeu de l’observation de leurs pairs. Très tôt, ils décident d’en consigner au jour le jour le résultat : le Journal est né, qui restera comme leur œuvre la plus importante.

« Le journal est notre confession de chaque soir : la confession de deux vies inséparées dans le plaisir, le labeur, la peine ; de deux pensées jumelles, de deux esprits recevant du contact des hommes et des choses des impressions si semblables, si identiques, si homogènes, que cette  confession peut être considérée comme l’expansion d’un seul moi et d’un seul je. »

Cette gémellité fantasmée des frères est revendiquée. Ils se disaient « en ménage » et affirmaient : « Nous qui par le fait ne sommes pas deux, ne sommes point l’un à l’autre une compagnie, nous qui souffrons en même temps des mêmes défaillances, des mêmes malaises, nous sommes comme des femmes qui vivent ensemble, dont les santés se mêlent, dont règles reviennent en même temps ; nos migraines nous viennent le même jour. »

Les plus belles langues de vipères du Tout-Paris

Le journal, tenu assidûment pendant des années, est devenu un document historique et sociologique important. Pourtant à l’époque, il a valu aux Goncourt une réputation de cancaniers invétérés. Il faut avouer qu’ils avaient parfois la main leste sur leurs contemporains. Ainsi, Balzac y est décrit comme «ignare et ignoble, ne sachant rien. Ouvrant de grands yeux à toutes les explications, bouffi de lieux communs, [avec] une vanité de commis-marchand». De Mallarmé, ils disent qu’«il faut le mettre à Saint-Anne», de Renan qu’il avait «une tête de veau qui a les rougeurs, les callosités d’une fesse de singe»… Quelle que soit leur mauvaise foi, ils répondaient aux critiques avec aplomb : «Si parfois nous nous exprimons avec l’injustice de la prévention ou l’aveuglement de l’antipathie irraisonnée, nous n’avons jamais menti sciemment sur le compte de ceux dont nous parlons.»

Il faut leur reconnaître qu’ils pouvaient aussi (bien que cela fût rare) être très élogieux, en témoigne leur description de Théophile Gautier : «Le plus étonnant bon sens des choses littéraires, le jugement le plus sain, une lucidité terrible jaillissant en petites phrases toutes simples, sur une voix qui est comme une caresse estompée. Cet homme, au premier abord fermé et comme enseveli au fond de lui-même, a décidément un grand charme et est sympathique au plus haut degré.»

Dans ce journal si décrié, Marcel Proust voyait un fort potentiel créateur et regrettait qu’Edmond de Goncourt (son frère étant décédé lorsque Proust fit sa connaissance) ne s’en soit pas emparé : «Cette subordination de tous les devoirs, mondains, affectueux, familiaux, au devoir d’être le serviteur du vrai, aurait pu faire la grandeur de M. de Goncourt, s’il avait pris le mot vrai dans un sens plus profond et plus large, s’il avait créé plus d’êtres vivants dans la description desquels le carnet du croquis oublié de la mémoire vous apporte sans qu’on le veuille un trait différent, extensif et complémentaire. Malheureusement, au lieu de cela, il observait, prenait des notes, rédigeait un journal, ce qui n’est pas d’un grand artiste, d’un créateur. » (Marcel Proust, «Essais et articles», dans Contre Sainte-Beuve, Gallimard, Pléiade, 1971, p. 642).

Edmond de Goncourt à la fin de sa vie était relativement seul et aigri de n’avoir pas connu la gloire dont il rêvait avec son frère, pourtant les Goncourt auront leur revanche : la fondation posthume d’une académie à leur nom (voulue par Edmond dans son testament et pour le financement de laquelle il lègue ses biens) et de son prix, qui est devenu aujourd’hui la plus courue des récompenses littéraires françaises.

Par Clémentine Baron

sursa: Le Magazine Littéraire

Editeurs cherchent chefs-d’oeuvre désespérément

Que deviennent les milliers de manuscrits envoyés aux maisons d’édition chaque année? Enquête au coeur du système éditorial.

C’est bien connu, tous les Français ou presque sont des écrivains en puissance ! Mais il ne suffit pas de taquiner la muse pour être publié, loin de là : en moyenne, 1 seul manuscrit l’est, sur 6 000 envoyés par la poste aux éditeurs. „Le système de l’édition française fonctionne suffisamment bien”, constate Philippe Demanet, secrétaire littéraire du service des manuscrits de Gallimard. „Grâce à un effet de nasse entre éditeurs, il n’y a pas de chef-d’oeuvre oublié dans un placard…” La preuve par le prix Goncourt 2011, L’Art de la guerre, d’Alexis Jenni, un premier roman aussitôt „flairé” par Philippe Demanet : „Pour moi, c’était évident.”

Tous les manuscrits sont-ils lus ?

„Oui, assure Louis Gardel, président du comité de lecture du Seuil depuis dix ans. Au bout de trois pages, on a une première idée de la qualité. Et on décèle aussitôt un ton nouveau.” Justine Lévy, lectrice à mi-temps chez Stock, cherche, elle aussi, la perle rare. Cela n’a pas toujours été le cas. Elle a raconté dans Rien de grave (Le Livre de poche), paru en 2004, ses premiers pas dans le métier et son coup de folie en apprenant que son jeune mari, Raphaël Enthoven, alias Adrien, la quittait pour Carla Bruni, alias Paula la tueuse. Bilan : des dizaines de manuscrits intacts directement jetés à la poubelle ! Cette confession a quelque peu fait grincer des dents à Saint-Germain-des-Prés. Le manuscrit, c’est sacré.  „Chez Grasset, ils sont tous lus”, témoigne Bruno Migdal, 53 ans, un scientifique de formation qui a repris des études de lettres sur le tard et qui vient de publier Petits Bonheurs de l’édition (la Différence), récit bref et vif de ses trois mois de stage au service des manuscrits de la Rue des Saint-Pères, en 2004. De Gallimard à Albin Michel, en passant par JC Lattès, les grandes maisons disposent toutes d’un tel service, qui réceptionne les textes non adressés personnellement à un éditeur. „J’ouvre chaque paquet, assure Denis Gombert, de Robert Laffont. Je les fais ensuite indexer – titre, nom, prénom, adresse, date de réception, etc. Mon travail consiste à évaluer rapidement chaque manuscrit : sa valeur et son adéquation à la maison. Dans l’affirmative, je le confie à l’un de nos sept lecteurs. Soit, en fin de compte, 15 à 20 % des manuscrits reçus. Car trop de gens confondent l’expression et l’écriture.”

Qui sont les lecteurs ?

„L’unique lecteur des éditions POL s’appelle… Paul Otchakovsky-Laurens !” indique Jean-Paul Hirsch, bras droit du patron. Non content d’ouvrir lui-même les paquets chaque matin, l’éditeur d’Emmanuel Carrère lit tous les manuscrits. Cette assiduité lui a permis de repérer illico Truismes, premier roman (1998) et best-seller de Marie Darrieussecq. „Paul décide seul de la publication, même s’il lui arrive de me demander mon sentiment. Ses choix sont délibérés et il assume parfaitement le refus d’un texte qui connaîtra le succès ailleurs”, précise Jean-Paul Hirsch. Les autres éditeurs sollicitent l’avis de toutes sortes de lecteurs, pour certains rétribués assez chichement – à partir de 30 euros chaque fiche de lecture chez Fayard, entre 50 et 90 euros chez Grasset ou Robert Laffont. „Nos lecteurs ont des profils très variés, souligne Denis Gombert : une mère de famille de trois enfants, un écrivain, une prof de khâgne…” Elisabeth Samama, responsable de la fiction française chez Fayard, attend d’abord un point de vue. Si son lecteur déteste radicalement un manuscrit, cela peut même lui donner envie de le lire. Bruno Migdal, l’ex-stagiaire de Grasset, déplore pour sa part qu’aucun des deux seuls manuscrits qui lui avaient paru intéressants en trois mois n’ait été publié : „Lorsque la lecture n’est pas suivie d’effet, la motivation s’effrite vite”, regrette-t-il.

Les comités de lecture

Boutade de Gilles Cohen-Solal, cofondateur des éditions EHO avec sa femme, Héloïse d’Ormesson : „Notre comité de lecture se passe souvent au lit !” Reste que cette instance rythme la vie de nombreuses maisons, à commencer par le comité de Gallimard, dont le fonctionnement, réglé comme du papier à musique, remonte aux années 1920. Composé de 17 membres, des Richard Millet à Pierre Nora, de Chantal Thomas à Jean-Bertrand Pontalis, il se réunit sous la présidence d’Antoine Gallimard une fois par mois. Comme chez Robert Laffont. Grasset et Le Seuil ont opté pour le rythme hebdomadaire. Mais, partout, la partition se joue selon un scénario identique : les éditeurs arrivent au comité avec leurs fiches de lecture, chacun défend ses manuscrits et les fait éventuellement passer. „La décision finale est assez collective, on peut faire des erreurs à plusieurs, estime Louis Gardel. Lorsque la maison résiste, on envoie le manuscrit à un confrère. Jadis, Roger Grenier me signalait les ouvrages refusés par Gallimard. L’édition n’est pas un milieu si méchant…” Voire. Dans le tome IV de son Journal, feu l’écrivain Jacques Brenner rappelle que, vers les années 1970, Grasset avait créé un faux comité de lecture mensuel à l’intention de l’écrivain Pierre-Jean Launay, membre du jury Interallié et donc „utile”, mais dont on ne souhaitait pas la présence dans le vrai comité… Les huiles de la Rue des Saint-Pères – de Claude Durand à Yves Berger – jouaient la comédie de bon coeur. Au comité du Seuil et à celui de Grasset, les discussions sont très animées et le ton monte facilement. Question de tempérament. Ainsi, avec ce grand timide de Patrick Modiano, membre éphémère du comité Gallimard, ce fut „un désastre, parce qu’il ne voulait jamais se prononcer !” révèle un texte de Robert Gallimard dans le récent Cahier Modiano (l’Herne).

Les „ratages”

Bon livre et succès de librairie : tous les éditeurs en rêvent. D’où le dépit d’Elisabeth Samama en apprenant que sa maison, Fayard, avait raté HHhH, de Laurent Binet, récupéré par Grasset avant d’obtenir le prix Goncourt du premier roman 2010 et de s’écouler à quelque 200 000 exemplaires, selon Edistat. „Nous étions débordés, c’est une stagiaire qui a eu le manuscrit entre les mains et l’a laissé filer”, regrette l’éditrice. Depuis ce raté, Fayard a mis au point un système de filtre plus précis, plus rigoureux, où chaque éditeur regarde systématiquement tous les manuscrits de son département. La même mésaventure était arrivée à Olivier Cohen, directeur des éditions de L’Olivier, à qui Anna Gavalda avait envoyé le manuscrit de son premier livre, un recueil de nouvelles qui a fini par être publié au Dilettante en 1999. Lauréat du grand prix RTL-Lire l’année suivante, Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part est devenu un immense best-seller, vendu à des millions d’exemplaires… Louis Gardel admet pour sa part qu’il a refusé Ce qu’il advint du sauvage blanc, premier – et formidable – roman de François Garde, récemment paru chez Gallimard. Anne Carrière, elle, se rend un jour dans un Salon où le jeune Joël Egloff dédicace son premier roman drolatique, Edmond Ganglion & fils, paru en 1999 et applaudi par beaucoup. Elle achète un exemplaire. En guise de signature, le jeune homme écrit : „Pour l’éditrice chez qui j’aurais aimé être publié…” Etonnement de l’intéressée, ignorant que Joël Egloff lui avait adressé son manuscrit. Elle a retrouvé le compte rendu de lecture indiquant un „roman mortifère”, au prétexte qu’il y est question d’une entreprise de pompes funèbres…

Des chiffres et des lettres

Gallimard reçoit, tous auteurs confondus, près de 6 000 manuscrits par an, le Seuil avoisine les 5 000, chez Robert Laffont et Fayard, c’est plutôt 4 000, tandis que Grasset en annonce „un peu plus de 3 000 minimum”, à l’instar de POL. Par ailleurs, certains éditeurs ont un système de notes réservées aux manuscrits. Chez Gallimard, elles sont réparties entre 1 et 2. Le 1, c’est la publication. Le 1,25 signifie une petite réserve, et 1,5 témoigne d’une certaine perplexité. Mais 1,75 et 2, c’est le refus. Chez Grasset, on passe de 1, le manuscrit parfait, à 3 pour un refus. Le 0 est réservé au manuscrit idéal. Il n’a jamais été décerné…

Par Delphine Peras (L’Express), publié le 09/02/2012

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Comment les écrivains français gagnent leur vie

Amélie Nothomb (Audrey Cerdan/Rue89).

Amélie Nothomb (Audrey Cerdan/Rue89).

Sujet tabou entre tous, le train de vie des grandes plumes françaises reste un secret bien gardé par les grandes maisons de Saint-Germain-des-Prés. En tout, les écrivains vivant de leurs livres ne sont pas plus de cent cinquante. Une bourse éminemment volatile que nous avons décryptée comme une course cycliste, avec ses stars et ses porteurs d’eau.

Les règles de la course aux à-valoir

Lorsqu’il signe un contrat avec une maison d’édition, un auteur est rémunéré de deux façons : il perçoit d’abord un « à-valoir » sur les droits d’auteur, somme calculée en fonction de sa notoriété, du sujet, de l’audience espérée par l’éditeur. Ensuite, il percevra, un an après la sortie du livre, les droits, soit un pourcentage du prix hors taxe. Le contrat de base, en littérature générale, est le « 8/10/12 » : 8% pour un premier palier de 0 à X exemplaires, 10% de X à Y exemplaires et 12% au-delà. Le contrat devient un « 10/12/14 » quand l’auteur est une star… ou un gros transfert. Le X et le Y variant en fonction de la notoriété de l’auteur et des ventes des livres précédents.


La romancière Faïza Guène (Audrey Cerdan/Rue89).

Exemple avec Faïza Guène : le contrat signé avec Hachette Littératures est un « 10/12/14 » depuis son premier livre. La jeune romancière touche 10% entre 0 et 10 000 exemplaires vendus, 12% jusqu’à 20 000, et 14% au-delà.

Entre son premier (« Kiffe kiffe demain », 2004) et son troisième roman (« Les Gens du Balto », 2008), son à-valoir a triplé.

L’à-valoir est un chiffre reconnu comme très réaliste, puisqu’il est calé sur les chiffres de ventes des livres précédents et sur le potentiel du nouveau livre. « Une évaluation qui est la plus saine possible », note-t-on chez Flammarion avant de préciser :

« Ce qui fausse tout, c’est lorsqu’il y a transfert d’un auteur. Car l’à-valoir augmente alors de 30 ou 50%, mais n’est plus calé sur le potentiel de l’auteur. »

Comme sur les grosses transactions du mercato, il faut aussi rembourser le coût du transfert.

L’échappée belle

En avant du peloton, ils sont une douzaine d’auteurs -jamais plus de quinze- à pouvoir prétendre à des à-valoir oscillant entre 1 et 2 millions d’euros par livre. Sans compter la variable de négociation des droits (étrangers, audiovisuels) qui peuvent générer des revenus supplémentaires.

Les qualités indispensables pour en faire partie


Anna Gavalda (Audrey Cerdan/Rue89).

A ce prix-là, il faut avoir derrière soi plusieurs best-sellers (au-delà de 100 000 exemplaires), une vraie régularité dans la production (un livre par an ou tous les deux ans) et dans la qualité des œuvres. Sans oublier ce petit plus de la médiatisation assumée qui fait d’un écrivain un véritable auteur à succès : être râleur, paranoïaque ou passionné d’ufologie…

Ce petit club est réservé à des auteurs professionnels, dont c’est, en général, l’unique activité.


La romancière Fred Vargas à Rue89 (Maé Faure).

La plupart sont des quadras, ayant réussi à créer un style à la fois très personnel et populaire, autour de thèmes qui font écho dans la société.

En résumé, il faut être à la fois original et consensuel. La plupart de ces auteurs ont des agents littéraires pour négocier leur contrat.

Pour les plus gros succès, il faut ajouter à cela les droits générés par les reventes à l’étranger et, en cas d’adaptation au cinéma ou à la télévision, les droits audiovisuels. Ainsi, Jean-Christophe Grangé est-il passé de 2 millions de francs en 1998 pour « Le Vol des cigognes » à 1 millions d’euros pour « L’Empire des loups » en 2003 (source CNC). Tout cela est soumis à impôt et à cotisations sociales (6% des droits perçus).


Marc Lévy (Audrey Cerdan/Rue89).

La short list

L’échappée se compose aujourd’hui d’Anna Gavalda, Fred Vargas et Amélie Nothomb pour les femmes. Avec Christian Jacq, Jean d’Ormesson, Marc Lévy, Michel Houellebecq, Bernard Weber et Jean-Christophe Grangé pour les hommes.

Frédéric Beigbeder flirte avec ce groupe, mais n’a pas été assez régulier pour l’intégrer. D’après les Echos, Guillaume Musso n’en serait plus très loin.

Le peloton

A quelques longueurs, voici le peloton : quelques dizaines d’auteurs, jusqu’à une centaine dans les périodes fastes. Ils se voient gratifiés d’à-valoir évoluant entre 150 000 et 250 000 euros. Selon l’avocat Emmanuel Pierrat, spécialisé dans la propriété intellectuelle et écrivain à ses heures :

« Il faut y inclure tout ceux qui ont eu leur heure de gloire, un gros prix littéraire ou un vrai best-seller et puis qui sont retombés à un étiage moyen. »

« Etiage moyen » signifie des tirages oscillant entre 10 000 et 100 000 exemplaires.

Les qualités indispensables pour en faire partie

Avoir une vraie plume (ou pas) et/ou être capable d’une grande originalité dans le traitement du sujet. En fait, beaucoup d’écrivains sont l’homme (ou la femme) d’un seul livre. Certains se contentent de répéter la même recette, d’autres appliquent la tambouille marketing, efficace mais pas forcément emballante. Certains aussi s’attaquent à des sujets plus sélectifs, moins grand public. Beaucoup ont une autre activité liée à l’écriture : nègre, journaliste, ou universitaire.

Les classements intermédiaires

Quoiqu’il en soit, dans l’ensemble du peloton, 98% des auteurs publiés ont un autre métier. En France, cette seconde source de revenus est elle-même liée à l’écriture (nègre, traducteur, éditeur) ou à la sphère intellectuelle (journaliste, professeur), voire diplomatique (Jean-Christophe Rufin, Yasmina Khadra). Souvent, ces revenus sont les plus importants et vont faire augmenter la « valeur » de la demande.

Par exemple, un journaliste/écrivain people, devenu people grâce aux médias, fera augmenter ses à-valoirs grâce à sa valeur médiatique, plus que par sa valeur littéraire et son potentiel de ventes. Il y a aussi les écrivains qui deviennent « critiques », une fois qu’ils ont acquis quelque notoriété avec leurs livres. On vient leur demander des articles un tant soit peu en rapport avec ce qu’ils ont publié. C’est ainsi que, en fonction de sa légitimité et quel que soit le chemin effectué, un écrivain devient « quelqu’un qui connaît le sujet » (François Bégaudeau, Daniel Picouly).

Autres spécialistes des classements par points, les écrivains « de genre ». Spécialement ceux qui œuvrent dans le polar (Dan Franck). Ils sont très courtisés par les productions pour devenir scénaristes : Tito Topin, auteur de plusieurs romans, est ainsi devenu le « père » de Navarro, avant une grosse colère contre TF1 à la fin de l’exploitation du personnage -dont il avait gardé les droits. Le triomphe des séries « à saisons » coïncide avec l’émergence d’une nouvelle génération d’auteurs : Franck « La Chambre des morts » Thilliez, va ainsi s’essayer à l’écriture d« une grosse série télévisée, avec d’autres écrivains de genre.


Guillaume Musso (Audrey Cerdan/Rue89).

Les nouveaux et les habitués

Dans cette catégorie, on peut distinguer deux types d’auteurs. Les vieux routiers, connaissant toutes les ficelles du métier : Régine Desforges, Max Gallo, Patrick Rambaud, Irène Frain, Tahar Ben Jelloun, Jean-Christophe Rufin… Liste ecclectique qui ne reflète en rien les qualités (ou défauts) littéraires des uns et des autres.

Et les jeunes prometteurs, en quête de carrière : Guillaume Musso en parfait représentant de la génération “je-sais-faire-un-bon-livre”.

La cohorte des excellents anonymes

Ici s’ouvre la longue liste des auteurs obtenant des à-valoir inférieurs à 100 000 euros, mais supérieurs à 20 000 euros. Une pléiade (quelques centaines) qui parvient à draîner un large public. Ils ont l’habitude de publier : des livres pratiques, des livres de jeunesse, mais aussi des romanciers réguliers ayant conquis au fil des années un public restreint mais fidèle. A chaque publication, ils parviennent à écouler quelques dizaines de milliers d’exemplaires, avec des livres ayant une durée de vie plus longue que la moyenne.

Les qualités indispensables pour en faire partie

Faire simple, plutôt court et concret… qualités nécessaires pour les livres dit pratiques. A l’inverse, si l’on prétend à la fiction, la méthode inverse est applicable : faire long, complexe et abstrait. Pas de recette miracle donc, mais la volonté de publier le plus régulièrement possible pour satisfaire ses aficionados.

Le patchwork des auteurs


Le dessinateur Zep (Audrey Cerdan).

Dans cette catégorie, vous trouverez de parfaits inconnus : qui peut citer un auteur de roman de gare sans regarder son kiosque ? Ou alors de vraies vedettes, snobées par les grandes maisons rassemblées autour de la place de l’Odéon. Sans oublier désormais des auteurs de BD qui ont su drainer, au fil des albums, un large public.

Zep, dessinateur, fut en 2006 le plus gros vendeur en librairie avec un tirage de 1,8 million d’exemplaires pour le onzième tome des aventures de Titeuf.

L’autobus

Dans le langage des suiveurs, l’autobus, c’est le groupes des sans-grades qui se rassemblent au pied du col, pour être sûr de ne pas terminer la course hors-délais. La fourchette des à-valoir varie de 2000 à 10 000 euros. Ici, on trouve les fatigués, les plagiaires et les exigeants. Le long cortège de ceux qui refusent tout compromis avec le genre, l’écriture ou le sujet. “La bérézina”, lance Emmanuel Pierrat, ironique, ajoutant que l’autobus regroupe “des milliers d’auteurs”. Parfois très bons, mais évoluant dans un secteur en crise. A l’image de l’excellent écrivain qu’est notre blogueur Francis Mizio, moins enthousiaste sur l’évolution de l’économie du métier :

“Les à-valoir se sont effondrés ces cinq dernières années. Avant, une série noire chez Gallimard, c’était 5000 euros, pour un tirage moyen de 5 à 6000 exemplaires. Aujourd’hui, la moyenne est à 1000 exemplaires. Faites le calcul… Et ne parlons pas de la littérature jeunesse, où les à-valoir ont perdu deux tiers de leur valeur. Le secteur est ultra saturé, donc les ventes sont faibles.”

Cette crise est sans doute aussi la conséquence d’une certaine uniformisation des livres marketés pour le succès.

Les qualités indispensables pour en faire partie

D’abord savoir convaincre un éditeur de vous publier. Faire un livre est toujours un pari risqué pour celui qui accompagne sa conception, sa fabrication et sa diffusion. Il peut être convaincu par :

– une personnalité exceptionnelle (les héros inconnus du quotidien) ;
– une histoire exceptionnelle (un destin hors du commun, un événement historique revisité par un personnage) ;
– un genre exceptionnel (une vraie nouveauté littéraire).

Il y a aussi le coup de foudre, incontrôlable, non pas pour les beaux yeux d’un auteur, mais pour le souffle du récit. Ou le coup de chance.

Une catégorie où il est obligatoire d’avoir un (autre) vrai métier

Dans cette dernière catégorie, vous trouvez de très nombreux journalistes, abonnés aux livres “documents” (la non-fiction, comme disent les éditeurs). Mais aussi des “ghost writers”, des écrivains fantômes, qui prêtent leur plume à ceux qui n’en ont pas. La plupart des livres de témoignages, par exemple, sont écrits par des nègres. Tout comme les brillantes analyses économiques des grands patrons, les biographies des hommes politiques ou les mémoires des artistes. En général, ces gens-là n’ont pas le temps d’écrire. Ils font alors appel aux pros de l’écriture.

Hubert Artus et David Servenay

Photo : Les romanciers Amélie Nothomb, Faïza Guène, Anna Gavalda, Marc Lévy, Guillaume Musso et le dessinateur Zep (Audrey Cerdan/Rue89). Fred Vargas à Rue89 (Maé Faure).

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Ecrivains, pourquoi (et comment) les maisons d’édition refusent vos livres

Au regard du nombre de décisions prises, la principale activité d’un éditeur n’est pas de publier, mais de refuser de publier. La quête d’un éditeur est souvent très laborieuse, comme certains d’entre vous peuvent en avoir fait l’expérience. C’est le cas de l’auteur Maginhard, qui s’est amusé à compiler sur son blog une centaine de lettres de refus de son manuscrit, avant d’être publié dans une maison d’édition belge.

En moyenne, un seul livre sur 6 000 est publié. Nous avons tenté de comprendre pourquoi un roman était refusé.

Le fonctionnement d’un comité de lecture

Avant la publication, le premier roman devra passer la sélection des comités de lecture (pour les plus grosses maisons d’édition) ou d’un réseau de lecteurs.

Pour les plus petites maisons d’édition, c’est l’éditeur qui reçoit les livres et les sélectionne. C’est le cas d’Alma-Editions, qui publie seulement dix-sept livres par an. Sa directrice littéraire, Catherine Argand, nous a expliqué le cheminement des manuscrits.

Sa maison d’édition peut recevoir jusqu’à cinq livres par jour. Une première sélection des manuscrits se fait par un stagiaire (souvent diplômé d’un master d’édition). Les repêchés sont alors lus par les éditeurs, qui procèdent à un nouvel écrémage.

Lecteurs payés à la pièce

Lorsqu’il existe un comité de lecture, il peut être constitué de cinq à quinze membres, parfois plus. Les lecteurs du comité lisent les livres, les annotent et marquent leur jugement sur une fiche dédiée au roman. Tout y est inscrit : du refus à l’étonnement. Catherine Argand :

« De manière générale, les lecteurs sont payés à la pièce. Ils ont un QCM à remplir au sujet du livre. Par exemple, ils mettent une note à l’action du personnage, la trame de l’histoire, etc. »

En fonction de la taille des maisons d’édition, les membres du comité peuvent se réunir une fois par semaine ou une fois par mois. Durant ces sessions :

« Ils défendent le livre pour lequel ils ont eu un coup de cœur et qu’ils souhaitent voir publié. Si le lecteur a réussi à convaincre les autres lecteurs, on effectue alors une deuxième lecture du livre, puis il passe entre les mains des éditeurs. »

« C’est pas mal, mais plutôt pour Flammarion »

Dans son livre « Petits bonheurs de l’édition » (La Différence), l’auteur Bruno Migdal, lecteur-stagiaire à 42 ans, décrit le service des manuscrits des éditions Grasset. Il relate cet engouement lorsqu’il s’agit de défendre un livre qui a su attirer ses faveurs :

« Mon éditeur estime que c’est pas mal, franchement pas mal (je ne lui apprends donc rien) mais plutôt pour Flammarion ou Julliard ; il ira tout de même jusqu’à le proposer en comité de lecture, où il sera finalement boulé d’un revers de main. »

Catherine Argand n’a jamais véritablement apprécié les comités de lecture. Elle trouve en effet étrange de confier son choix de livre à une personne tierce : « Mon choix ne sera jamais celui d’un autre éditeur. » Tout est une question de goût.

Bien sûr, le point de vue du lecteur entre en compte. Catherine Argand sait qu’il existe une marge d’erreur possible sur ce qui peut être un bon ou un mauvais manuscrit. « C’est la même chose qu’un professeur qui va noter une copie de fac. »

Pour quelles raisons refuse-t-on un livre ?

Selon Catherine Argand, beaucoup d’auteurs se trompent de maison d’édition et confondent trop souvent l’écriture et l’expression :

« Parfois, c’est assez comique ce que l’on peut recevoir par La Poste. Le problème aujourd’hui est qu’il existe trop de gens qui écrivent plutôt qu’ils ne lisent. C’est l’effet Marguerite Duras. »

Pour Catherine Argand, il existe plusieurs raisons qui expliquent le refus d’un livre :

« On ne peut pas publier quelqu’un qui fait l’apologie du crime par exemple, ou qui utilise beaucoup de stéréotypes dans ses romans. Une fois, j’ai pu lire dans un livre : “Sa silhouette de déesse profilait le long du soleil couchant…”

Il existe également beaucoup trop de pensées uniques, type : les riches sont méchants et les pauvres sont gentils. Parfois, les livres manquent tout simplement de singularité, d’originalité ou le vocabulaire utilisé est très pauvre. »

« On ne publie que dix livres, le vôtre est le onzième »

Voici différentes raisons avancées par plusieurs maisons d’édition pour justifier le rejet d’un manuscrit :

  • le roman « ne correspond pas à la ligne éditoriale de la maison d’édition » ;
  • il ne correspond pas aux « critères de qualité requis pour la publication d’un livre : on y note alors l’insuffisante maîtrise d’une écriture, sa banalité, son absence de rythme, de singularité. De trop lourdes maladresses » ;
  • il faut qu’il y ait « un consensus autour du livre lu : il faut que quelque chose dans l’histoire du livre accroche les différents membres du comité de lecture » ;
  • « certaines maisons d’édition ne publient que dix livres par an », le vôtre était le onzième ;
  • l’histoire que vous racontez est passée de mode : certains auteurs pensent que s’ils écrivent un livre avec le même scénario que le best-seller précédent, il sera publié ; c’est faux.

Un éditeur me raconte « qu’après le succès des “Bienveillantes” de Jonathan Littell, on a reçu plein de livres qui avaient le même sujet. Or, ce type de synopsis avait déjà été publié, donc on a décidé de passer à autre chose ». Inutile de copier les confrères donc.

Pour avoir une chance d’être publié, « un écrivain doit avoir une voix. Un romancier, c’est quelqu’un qui aura un autre regard que le vôtre et saura vous surprendre. Il faut une atmosphère dans le roman, une singularité », rappelle Catherine Argand.

Comité de lecture : les copains d’abord

Pointés du doigt par les écrivains qui ne parviennent pas à se faire publier, les membres des comités de lecture ont mauvaise réputation. On leur reproche leur manque de légitimité à lire un livre, on suppose également qu’ils ne lisent pas les livres qu’ils reçoivent. La constitution même de leur comité de lecture apparaît opaque.

Dans son « journal de stage », Bruno Migdal se moque avec gentillesse de ses collègues de travail, eux aussi lecteurs-stagiaires :

« Le premier est entré par l’entremise du fils d’un des éditeurs de la maison, la tante du second exerce chez Gallimard. “

Il y a aussi les livres qui circulent sous le manteau pour qu’ils soient lus avec plus d’attention :

‘Un manuscrit recommandé par Edmonde Charles-Roux, avec un intimidant papier aux armes de l’Académie Goncourt. Le jeune protégé est un éminent spécialiste des relations bilatérales franco-afghanes : à aborder avec discernement, donc.’

Le recrutement des différents membres du comité de lecture a changé. Un éditeur d’une grande maison d’édition parisienne me confie qu’à une certaine époque, ‘ il y avait des journalistes, des écrivains, et d’autres personnes non médiatiques ’ qui pouvaient intégrer le fameux cercle fermé des comités de lecture, ‘juste parce qu’ils avaient un curriculum vitæ très prestigieux’.

Aujourd’hui, on ‘ s’est recentrés ’. Ainsi, pour recruter un membre d’un comité de lecture, on fonctionne désormais par cooptation. Un article de Lexpress.fr s’en était déjà fait l’écho :

‘ On fait plus attention aux connaissances que la personne peut avoir du monde de l’édition, donc on choisira plutôt d’anciens éditeurs, des critiques, et des auteurs qui ont déjà été publiés.’

Sarah Pinard | Rue89

Les Français préfèrent les livres en papier

Dessin de Bénédicte, Suisse.

Dessin de Bénédicte, Suisse.

Drôles de Français : non seulement ils boudent les ebooks et autres liseuses, mais en outre leur système de prix unique les rend singuliers.

Nul doute que les médias français surveilleront de près les lectures estivales de leur nouveau président, photographié en 2007 sur un bateau pneumatique en pleine lecture de L’Histoire de France pour les nuls. Si celui-ci est comme la majorité de ses compatriotes, son choix se portera probablement plutôt sur une pile de livres de poche que sur une liseuse électronique. Le livre électronique (ebook) a du mal à séduire les lecteurs français qui leur préfèrent largement la version papier.

Les habitudes de lecture sont revenues au programme des discussions politiques cette semaine alors que le gouvernement Ayrault – désireux de protéger le secteur de l’édition et la réputation littéraire de la France – a annoncé son intention de revenir sur l’augmentation controversée de la TVA sur les livres décrétée par Nicolas Sarkozy [elle est passée de 5,5 % à 7 % au 1er avril 2012].

Alors que les librairies britanniques proposent des formules à trois livres pour le prix de deux, la France vit sous le régime du prix unique du livre, lequel sera le même partout sur Internet, chez un petit libraire ou chez un grand distributeur. Le gouvernement affirme que le contrôle des prix a sauvé les petits libraires des ravages de la vague libérale qui a frappé de plein fouet leurs confrères britanniques quand le pays a abandonné le système des prix fixes dans les années 1990. La France compte plus de 3 000 libraires indépendants dont 400 à Paris, contre environ un millier au Royaume-Uni (dont 130 à Londres). Les géants du secteur ne cessent toutefois de grignoter la part des petits commerçants qui ont de plus en plus de mal à survivre.

La question qui hante les observateurs est de savoir si les vieilles habitudes finiront par changer et si le livre électronique décollera en France. La règle du prix unique vaut également pour les lectures numériques mais le changement n’est pas qu’une question d’argent. Des études ont montré qu’à l’instar des lecteurs allemands, les Français préfèrent lire sur du papier plutôt que sur des écrans. Alors que les ventes de livres électroniques de langue anglaise augmentent à un rythme soutenu – elles représentent près de 20 % du total des ventes aux Etats-Unis et presque 10 % au Royaume-Uni –, en France ce chiffre devrait se situer à environ 3 % des parts de marché. Si certains grands distributeurs croient au succès – à terme  – du livre électronique en France, le papier garde aujourd’hui l’avantage.

26.06.2012 | Angélique Chrisafis | The Guardian

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Hessel, Dujardin et Mélenchon entrent dans Le Petit Robert

Sortie en librairies ce jeudi, la nouvelle édition du dictionnaire compte 300 nouveaux termes. Parmi ceux-ci, «psychoter», «LOL», «biopic», «gloups» et «belgitude».

La cuvée 2013 du Petit Robert, qui a fêté l’an dernier son soixantième anniversaire, vient d’arriver.

Créées en 1951, les éditions Le Robert éditent l’ouvrage depuis 1967. Mis à jour chaque année, le dictionnaire rassemble des milliers d’occurrences, mais également des citations d’écrivains, des phrases célèbres, des répliques de films et des paroles de chansons.

«Belgitude», «gloups», «LOL», «biopic» dans le millésime 2013

Dirigée par Alain Rey, cette nouvelle édition compte près de 60.000 mots, 300.000 sens et 35.000 citations. Outre le célèbre dictionnaire, est également publié ce jeudi Le Petit Robert illustré. Le Petit Robert des noms propres arrivera, quant à lui, en librairies le 5 juillet prochain.

Cette année, Le Petit Robert (2880 pages) a donné un billet d’entrée au concept de «belgitude», défini comme l’ensemble des traits de caractère de la culture belge, tout comme à la révolution numérique qui se poursuit avec la présence des termes «cyberdépendance», «mémoire flash» et «permalien.»

Pas de francocentrisme non plus, puisque le dictionnaire accueille avec délectation les québécismes comme «passer dans le beurre» (rater son coup) ou «taxage» (racket entre jeunes) et les belgicismes comme «prépension» (préretraite) ou «panade» (goûter pour bébé).

«LOL», «Psychoter», «comater», «subclaquant», «gloup(s)», «à l’arrache», «biopic», «dystopie», «œuvre orpheline» trouvent également leur place dans cette grande bibliothèque de mots.

Dujardin et Hessel superstars

Parmi ce nouveau cru de personnalités, figurent 6000 nouveaux entrants dont les hommes politiques François Hollande en tant que chef d’État, Jean-Luc Mélenchon, Jean-Marc Ayrault; les écrivains Pierre Nora, Emmanuel Carrère, Philippe Claudel, Philippe Djian, Russell Banks, Dany Laferrière; les cinéastes Arnaud Desplechin, Terrence Malick, Marjane Satrapi ; l’actrice Jodie Foster ainsi que la chanteuse Amy Winehouse, décédée en 2011.

Double consécration pour l’acteur français Jean Dujardin qui, quelques mois après avoir été oscarisé pour son rôle dans le film The Artist, est présent dans l’édition 2013 du dictionnaire aux côtés du terme «oscariser».

Laurence Laporte, directrice éditoriale du dictionnaire, a souligné que l’idée de faire entrer Dujardin dans Le Robert n’a pas été motivée par la décision de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, qui a remis une statuette à l’artiste, le choix ayant été arrêté «en octobre», a-t-elle précisé.

À 94 ans, Stéphane Hessel, auteur d’Indignez-vous! y entre également aux côtés du terme «indignés», devenu le symbole des contestations en Europe l’année dernière.

Par Assma Maad

sursa: Le Figaro

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» Le Petit Robert attaqué pour sa définition de la colonisation
» Êtes-vous Larousse ou Robert?

Françoise Bourdin, l’inconnue des best-sellers

Françoise Bourdin, romancière à succès et proutant peu médiatisée. (MaxPPP)

Françoise Bourdin, romancière à succès et pourtant peu médiatisée. (MaxPPP)

PORTRAIT – Auteure d’une trentaine de romans, peu connue du grand public, elle fait pourtant partie des dix écrivains français les plus vendus. Attachée à sa vie de province, elle a tissé un lien direct et constant avec ses lecteurs.

Elle est l’inconnue des best-sellers mais ne s’en soucie guère. Elle ne travaille pas pour la critique, se fiche du qu’en dira-t-on parisien ; elle rêvait de province et lui rend hommage à chaque roman. Terre indigo, Mano a mano, B. M. Blues… Des titres qui nous sont familiers mais dont on est incapable de dire où on les a entendus. Livres? Films? Un peu des deux. Ils sont tous nés de la plume de Françoise Bourdin, 59 ans, auteure d’une trentaine de romans à succès, certains adaptés à la télévision. Son nom ne vous dit rien, pourtant „la” Bourdin est une serial best-selleuse.

La championne du club France Loisirs (deux millions de lecteurs!) écrit. Facile, fluide, efficace. Sans douleur, sans artifice. De bon matin, cigarette aux lèvres. Deux livres par an, une cuvée de mars et une d’automne, pour entretenir la machine à lecteurs. Ses fans dévoués la retrouvent avec un plaisir intact à chaque publication, lui envoyant lettres et e-mails élogieux, parfois même exigeantes requêtes. Comme ce lecteur qui lui a fait parvenir un courrier de dix pages enjoignant son écrivaine favorite de lui répondre sous la plume d’Alexander, l’un de ses personnages. Là, Bourdin a dit stop. Ne pas se laisser piéger par le jeu schizophrénique de la matière fictionnelle.

À 18 ans, elle sortait son premier roman chez Julliard, Les Soleils mouillés. „Une autobiographie. Ça fait prétentieux quand on n’a même pas 20 ans et qu’on n’a rien vécu.” Pendant une quinzaine d’années, elle ne publie plus, devient l’épouse d’un médecin, élève ses deux filles. L’une des petites lui assène, devant la plaque professionnelle du père : „Papa, c’est le docteur et toi, maman, tu n’es rien!” Violent déclic.

Françoise Bourdin, qui ne s’était jamais vraiment arrêtée d’écrire, ouvre ses tiroirs et envoie des manuscrits à presque tous les éditeurs de Paris. Pendant deux ans, pas de réponse ou alors des refus, puis deux coups de téléphone la même semaine. La Table ronde et Denoël lui prenaient deux manuscrits différents. Début janvier 2012, Le Figaro publiait son palmarès des dix romanciers français qui vendent le plus. La seule enquête fondée sur les ventes réelles de livres (les sorties de caisse). Françoise Bourdin se glisse à la huitième place avec 470.000 exemplaires écoulés en 2011, entre Delphine de Vigan et Amélie Nothomb. Sans le soutien des médias. Quelques papiers dans la presse régionale, à peine une dizaine en dix ans dans la presse généraliste.

Elle refuse le jeu des cocktails parisiens

Pourquoi un tel silence? Une chose est sûre, Françoise Bourdin n’appartient pas au sérail germanopratin. On ne la verra pas dans un cocktail mondain, elle a bien essayé mais elle s’y ennuie profondément, souffre d’entendre des auteurs dans le vent se „gargariser à longueur de soirées de vendre beaucoup plus de livres que dans la réalité”. En ville, Françoise Bourdin suffoque. Ce petit bout de femme a besoin de grands espaces, de gros chiens et de chevaux ; elle a posé valises et inspiration au pied des collines normandes de Port-Mort (Eure), près de Vernon. Et puis, elle fait de la littérature „grand public”. „En France, tout ce qui est populaire est suspect, catalogué roman de gare, dit-elle sans aigreur. Quoi de plus noble, au contraire, que de plaire au plus grand nombre. Si certains de mes lecteurs lisent mes histoires jusqu’à 3 heures du mat, c’est bien qu’il y a quelque chose non?”

C’est ce „quelque chose” que les critiques ont du mal à percevoir. Des „histoires qui nous ressemblent” mais que l’on peine à classer. Bourdin, ce n’est pas vraiment de la saga régionaliste, pas tout à fait du roman sentimental. Risquons une étiquette : une psychologie à la Katherine Pancol, mâtinée de la noirceur d’un François Mauriac éclairée par la modernité sociétale d’une Colette. Colette qu’elle a dévorée à l’adolescence en commençant par La Chatte à 12 ans, „parce qu’il y a avait un joli petit chat sur la couverture”. Colette a aidé la petite Françoise à fuir le monde des enfants, trop lent pour elle. Fallait que cela aille vite, grandir, monter des chevaux de course, conduire une voiture. Percuter de plein fouet la vie d’adulte.

„Mes parents étaient chanteurs d’opéra, ma mère, Géori Boué, était célèbre. C’était tous les jours le spectacle, avec ces chapeaux à plumes, ces crinolines plein les malles de notre hôtel particulier de Neuilly. Puis mes parents se sont séparés, j’ai découvert la vie parisienne à l’étroit en appartement, je me suis réfugiée dans la lecture des livres de poche et me suis inventé des histoires de famille avec des grandes maisons.” La plupart de ses récits ont pour point d’ancrage une demeure bien tenue qui rassure. „Avant de commencer à écrire, je dessine le plan de la maison pour mieux la voir, j’ai habité ces lieux imaginaires durant des mois, j’ai entendu les bois craquer, les huisseries gémir. Je suis sûre que les murs parlent.”

Elle n’évite aucun sujet, deuil, maladie, homosexualité, divorce

Contrairement à la plupart des auteurs grand public, sa plume n’évite aucun sujet, deuil, maladie, homosexualité, divorce… „Ses romans parlent de vrais gens, dans des situations où chacun peut se reconnaître ou reconnaître un proche. Les personnages sont très soignés, les thèmes actuels, la structure est limpide”, observe Geneviève Perrin, son éditrice.

Consulter le site francoisebourdin.com aide à comprendre les raisons d’un tel succès. „Les phrases et les mots sonnent juste, à tel point qu’à certains moments, on croirait que cela vous touche personnellement”, écrit France de Nice. De la littérature de bonne femme ? Pas seulement. „Depuis plusieurs années, mon lectorat change, note Françoise Bourdin. Avant, au Salon du livre, quand un homme me demandait une dédicace, c’était toujours pour son épouse, sa sœur, sa maman ou sa grand-tante, aujourd’hui, c’est pour eux.” C’est pourquoi, elle soigne de plus en plus ses personnages masculins.

„Tous vos livres pourraient faire l’objet d’un téléfilm…” La remarque d’un lecteur du sud de la France fait sourire l’auteur, puisque dès son deuxième roman, De vagues herbes hautes, Bourdin était portée à l’écran par Josée Dayan. Plus tard, l’écrivaine a signé la novélisation de Terre indigo, série phare du TF1 des années 1990. Sur cette période, elle ne s’attarde pas trop, bien consciente d’avoir fait son beurre avec cette activité de scénariste mais d’avoir flirté avec „le diable”. „Je me souviens d’un directeur de la fiction qui citait du Orson Welles à tout bout de champ pour au final ne produire que des feuilletons stupides! Se prendre la tête pendant des heures pour trouver un rebondissement toutes les sept minutes sous prétexte qu’au-delà les gens zappent, non merci, je préfère retourner à mes livres. C’est ma liberté.” À 15 ans déjà, elle, Françoise Bourdin balançait à son père : „Si tu m’empêches de sortir par la porte, je sortirai par la fenêtre.”

Adeline Fleury – leJDD.fr

Pas de Pulitzer pour les écrivains cette année

La commission du prix Pulitzer a déclaré le lundi 16 avril qu’il n’y aurait pas de lauréat officiel cette année dans la catégorie «fiction».

Cela n’était pas arrivé depuis 1977 : cette année, le prix Pulitzer ne sera pas remis, les membres de la commission n’ayant pas trouvé d’ouvrage de fiction digne, à leurs yeux, de recevoir cette récompense.

Le jury, composé de l’écrivain Michael Cunningham, de l’éditrice Susan Larson et de la critique Maureen Corrigan avait examiné 341 romans pour n’en garder que trois : Train Dreams de Denis Johnson, Swamplandia! de Karen Russell et The Pale King, roman posthume de David Foster Wallace (décédé en 2008). A ce stade, le choix revenait à une commission, dont les membres se sont déclarés incapable d’élire un des ouvrages, et ont préféré renoncer à décerner le prix.

Pendant américain du Goncourt français, le Prix Pulitzer de la fiction vaut à son lauréat une publicité et des ventes assorties. Le phénomène profitant aussi largement aux éditeurs et aux libraires, l’annonce a consterné tout le milieu du livre américain. Les trois membres du jury de présélection ont exprimé leur déception. «Lorsque trois livres d’une telle qualité sont sélectionnés et qu’on ne décerne pas de prix, cela veut dire, à mon sens, que quelque chose de va pas», a déploré Michael Cunningham.

Le Magazine Littéraire

Fukushima, les écrivains en première ligne

Un an après le tsunami et l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima, les écrivains sont en première ligne dans le témoignage sur la dévastation et la contestation des choix nucléaires. État des lieux.

C’est un pays partiellement ravagé qui prend ses quartiers d’invité d’honneur au Salon du Livre de Paris. Comment ne pas avoir en permanence à l’esprit l’anniversaire du tsunami qui a déferlé sur la côte Est le 11 mars 2011 et de l’accident nucléaire qui a suivi dans la centrale de Fukushima ? Un an après, la situation reste grave dans toute une partie de l’archipel, et le sort de la centrale n’est pas réglé. Comment les Japonais réagissent-ils ? En mars 2011, les reporters se disaient frappés par l’espèce de fatalisme imperturbable avec lequel les sinistrés faisaient face à la dévastation, en refusant de céder au désespoir et d’exhiber leur douleur. Mais cette capacité d’encaissement n’a pas empêché le débat sur le nucléaire de s’installer, ni l’opinion de contester la gestion laborieuse de la crise par les autorités et par Tepco (Tokyo Electric Power Company) en particulier. Depuis des mois, les manifestations se succèdent, et les artistes prennent la parole pour dénoncer l’incompétence du pouvoir, les failles des procédures de sécurité, le culte du secret autour du nucléaire et les mensonges assénés à la population. Certains n’avaient-ils pas anticipé depuis longtemps les menaces du nucléaire, à l’image de Kurosawa qui, dans un tableau de son film Rêves, en 1990, imaginait une explosion dans six réacteurs suite à un tremblement de terre ( !), avec une compagnie d’électricité niant l’existence de la moindre fuite ? Un scénario qui illustre la peur de la menace atomique dans un pays dont l’imaginaire a été frappé au fer par Hiroshima et Nagasaki, et qui témoigne de la conscience de la mort qui hantait le cinéaste japonais huit ans avant sa disparition, dans l’une de ses dernières œuvres.

Témoigner

Cette réactivité des écrivains s’exprime à plusieurs niveaux. D’abord, il y a le souci du témoignage, le récit du séisme et de la façon dont on réagi les Japonais. C’est ce que propose l’écrivain français Michaël Ferrier dans Fukushima, un livre saisissant écrit en quelques mois pour faire part de son expérience et de ses impressions. Le 11 mars 2011, cet enseignant en littérature à l’Université de Tokyo est chez lui, dans la capitale, avec sa compagne. « En début d’après-midi, écrit-il, la vibration des fenêtres. Quelque chose s’ouvre, grogne, frémit, demande à sortir ». Il explique le bruit terrifiant du séisme, comparable à celui d’un roulement de tambours, et l’espèce de guerre psychologique qui s’installe pendant plusieurs semaines, avec les répliques régulières qui dureront jusqu’au 8 juin. Bientôt, la nouvelle de l’accident de Fukushima se répand partout dans le pays. Les tokyoïtes, disciplinés mais inquiets, se ruent sur les denrées de première nécessité, et ceux qui ont les moyens partent à Hong Kong, par précaution. Lui, après un crochet par Kyoto où il est accueilli par le traducteur Sylvain Cardonnel, décide de ne pas rentrer en France et d’aller plutôt sur la zone sinistrée, avec du matériel de secours et des vivres. En camionnette, il explore les côtes frappées par la vague, avec leurs étendues gigantesques de débris qui, dans certaines localités, équivalent à… 23 ans de ramassage des ordures. Tout est recouvert de boue (hedoro, « la boue spéciale du tsunami »), l’odeur est parfois insoutenable, la géographie du pays est étrangement remodelée (côtes transformées, routes indiquées par le GPS disparues), et on est stupéfié par le bruit du vent que plus aucun obstacle n’arrête, tout ayant été mis par terre…

Contester

Vient ensuite la réflexion sur le nucléaire et sur la montagne de mensonges ou non-dits qui l’accompagnent. Comment expliquer les ahurissants défauts de conception de la centrale (les groupes électrogènes de secours étaient installés à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer !), l’impréparation à un tsunami majeur dans cette région dangereuse, les moyens dérisoires inventés par les techniciens pour endiguer la radioactivité ? Là encore, le récit de Ferrier est saisissant. Il raconte comment les autorités lancent des chiffres que personne ne comprend, les oscillations dans leurs décisions (évacuation à 3 km, puis à 20…), le déploiement discret d’un corps de marines américains spécialisé dans les incidents biochimiques… « Le plus frappant, dit-il, c’est l’extraordinaire contraste entre le discours officiel des promoteurs de l’industrie nucléaire et la réalité de ce qu’on peut constater empiriquement sur le terrain ». De fait, sur place, la région ressemble clairement à une zone de guerre. D’ailleurs, les familles des soldats (plus exactement des « troupes d’autodéfense », le Japon n’ayant plus d’armée officielle depuis 1945) tués sur site reçoivent 90 millions de yens, comme ceux d’Irak ou de Somalie… Ce sentiment d’être dans une zone de guerre est partagé par l’américain William T. Vollmann, qui se rend sur place peu après la catastrophe pour se faire son idée, armé d’un dosimètre et de protections dérisoires. Son périple le mène de Tokyo à la région de Fukushima, où il photographie les immeubles dévastés et interroge les habitants. Lui aussi est frappé par la langue de bois servie des autorités : « La sidérante capacité de l’officiel japonais à ne dire absolument rien n’a d’égal que l’absurde degré de confiance que le grand public place en lui ». Très gonzo et subjectif, son court reportage, Fukushima, dans la zone interdite, présente un intérêt limité mais n’en contient pas moins quelques détails et observations impressionnants.

Transformer

Enfin, au-delà du débat sur le nucléaire, un troisième niveau de réflexion se dessine, mis en exergue dès le printemps par Haruki Murakami, notamment. Recevant un prix en Catalogne en juin 2011, il explique dans son discours qu’au-delà de la reconstruction matérielle, le Japon doit aussi envisager « la régénération de l’éthique et des modèles », un « travail sobre et silencieux qui nécessite de l’endurance », comme si le tsunami avait révélé une crise de civilisation, une crise de la modernité. C’est aussi le sentiment de Yoko Tadawa dans les conférences qu’elle donne à Hambourg en mai 2011 et dont elle a tiré un livre, Journal des jours tremblants : 60 ans après Hiroshima, Fukushima marque peut-être un tournant dans l’histoire du Japon, et remet en question ses rapports avec l’Occident et la modernité productiviste. Ainsi qu’avec sa propre histoire militaire, le gouvernement ayant peut-être caché les vraies raisons de son choix du nucléaire civil : « En renonçant à l’énergie atomique, on se couperait totalement du développement de la technique nucléaire. Telle serait la raison pour laquelle le gouvernement mise tant sur le maintien des centrales nucléaires. Tant qu’il y aurait des centrales nucléaires, il serait possible de développer légalement la technique nucléaire et la voie de la fabrication des armes nucléaires resterait ouverte »… Une référence commune émerge dans ce débat : les fameuses Notes sur Hiroshima de Kenzaburo Oé (1965), patriarche de la littérature nippone, très engagé depuis un an dans la critique du nucléaire. Le rapprochement Hiroshima / Fukushima est ainsi dans toutes les têtes, avec la charge philosophique et existentielle qu’il implique. C’est peut-être l’aspect le plus frappant parmi les conséquences de la catastrophe, et qui portera le plus loin : le vaste changement moral en cours, et l’optimisme paradoxal qu’il peut inspirer. Ainsi Michaël Ferrier se voit-il répondre par Monsieur K., héroïque travailleur parachuté en pleine zone pour oeuvrer sur la centrale détruite : « Dites-leur bien : pleurer ne sert à rien. Si nous sommes en enfer maintenant, tout ce que nous pouvons faire, c’est de remonter à tâtons vers la surface ».

Par Bernard Quiriny – Le 12/03/2012

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Lire :
Fukushima, récit d’un désastre, de Michaël Ferrier, éd. Gallimard, 263 p., 18,50€.
Fukushima, dans la zone interdite, de William T. Vollmann, éd. Tristram, 90 p., 9,80€.
Journal des jours tremblants, de Yoko Tadawa, éd. Verdier, 120 p., 13 €.
L’archipel des séismes, dirigé par Corinne Quentin et Cécile Sakai, éd. Philippe Picquier, 240 p., 9€.

Nouvelles règles d’orthographe : dix points à connaître

Depuis 1990, de nouvelles règles d’orthographe sont recommandées par l’Académie française. Même si l’institution précise que l’ancienne orthographe n’est pas fautive, à l’école, elles doivent être la « référence ».

Voici les principales.

1 Les numéros composés sont toujours reliés par des traits d’union. Ex : trente-et-un, deux-cents (ancienne orthographe : trente et un, deux cents).

2 Dans les noms composés de la forme verbe + nom (pèse-personne) ou préposition + nom (sans-abri), le second élément prend la marque du pluriel seulement et toujours lorsque le mot est au pluriel. Ex : un compte-goutte, des compte-gouttes (avant : un compte-gouttes, des compte-gouttes); un après-midi, des après-midis (un après-midi, des après-midi).

3 On emploie l’accent grave (au lieu de l’accent aigu) dans un certain nombre de mots, ainsi qu’au futur et au conditionnel des verbes qui se conjuguent comme « céder ». Ex : évènement, règlementaire, ils règleraient (avant : événement, réglementaire, ils régleraient).

4 L’accent circonflexe disparaît sur le i et le u, mais on le maintient dans les terminaisons verbales du passé simple, du subjonctif et en cas d’homonymie. Ex : cout; entrainer (avant : coût, entraîner).

5 Les verbes en -eler ou -eter se conjuguent comme peler ou acheter. Les dérivés en -ment suivent les verbes correspondants. Exceptions : appeler, jeter et leurs composés. Ex : j’amoncèle, amoncèlement (avant : j’amoncelle, amoncellement).

6 Les mots empruntés aux langues étrangères forment leur pluriel comme les mots français et sont accentués conformément aux règles qui s’appliquent aux mots français. Ex : des matchs, un révolver (des matches, un revolver).

7 La soudure s’impose, en particulier, dans les mots composés de contr(e)-, entr(e)-, extra-, infra-, intra-, ultra-, avec des éléments savants (hydro-, socio-, agro-…) mais aussi dans les onomatopées et dans les mots d’origine étrangère. Ex : entretemps, tictac, weekend (entre-temps,tic-tac, week-end).

8 Les mots en -olle et les verbes en -otter (et leurs dérivés) s’écrivent respectivement -ole et -oter. Exceptions : colle, folle, molle et les mots de la même famille qu’un nom en -otte (comme botter, de botte). Ex : corole, frisoter (corolle, frisotter).

9 Pour montrer la prononciation du u, le tréma est déplacé sur la lettre u dans les mots comportant -guë- et -guï – et ajouté à la lettre u sur les mots en -geure ainsi qu’avec le verbe arguer. Ex : aigüe, ambigüe, ambigüité, argüer (avant : aiguë, ambiguë, ambiguïté, arguer).

10 Des anomalies sont supprimées. Ex : charriot, imbécilité, lunetier, relai… (avant : chariot, imbécillité, lunettier, relais…)

Le Parisien

Camus, l’homme qui avait toujours raison

À gauche : Albert Camus sous l'objectif de Yousuf Karsh, vers 1959). À droite : Michel Onfray à Alger, début novembre dans une salle de classe du lycée Bugeaud, où Camus entra en 1924. © AKG - Farouk Batiche/AFP

À gauche : Albert Camus sous l'objectif de Yousuf Karsh, vers 1959). À droite : Michel Onfray à Alger, début novembre dans une salle de classe du lycée Bugeaud, où Camus entra en 1924. © AKG - Farouk Batiche/AFP

C’était le livre qu’on attendait depuis longtemps, celui qui allait réparer l’injustice faite à Camus, celui qui vengerait l’un des philosophes-écrivains les plus méprisés de son temps, celui qui, enfin, rétablirait la vérité.

Ce n’est pas un pavé, non, mais un superbe monument à la gloire de l’auteur de L’étranger. „Plus qu’une biographie, le livre de Michel Onfray est une reconstruction par un philosophe qui, jusqu’à présent, donnait volontiers dans la déconstruction. Avec L’ordre libertaire (Flammarion), sous-titré La vie philosophique d’Albert Camus, il remet Camus, le prophète antitotalitaire, l’hédoniste libertaire et anarchisant, à sa juste place : tout en haut de l’échelle des grands personnages du XXe siècle.

Nihilisme ambiant

En six cents pages, Onfray décortique Camus jusqu’à l’os. Il le fait vivre, aimer ou souffrir devant nous, en racontant par le menu l’existence d’un homme qui avait la tuberculose aux trousses et qui pensait son art de vivre par temps de catastrophe, en tentant de dépasser le nihilisme ambiant. Ce faisant, Onfray met aussi au rebut tous les malentendus accumulés contre son héros par la fainéantise ou la mauvaise foi germanopratine. Il sort de terre celui que ses ennemis présentaient comme un „philosophe pour classes terminales”. Il le remet au monde.

Ce qui rend cet ouvrage irrésistible, c’est l’espèce de fièvre fusionnelle d’Onfray, qui s’identifie totalement à Camus. Non sans raison. Dans les deux cas, le père est ouvrier agricole et la mère, femme de ménage. Dans les deux cas, ce sont des hors venus, algérien ou normand, étrangers au système parisien. Dans les deux cas, il y a une figure tutélaire qui permet à ces jeunes gens de peu de devenir eux-mêmes : Jean Grenier pour Camus, Lucien Jerphagnon pour Onfray. Dans les deux cas, il y a l’illumination nietzschéenne. Dans les deux cas, l’ordre intellectuel établi est l’ennemi, ce qui donne : L’homme révolté pour l’un et Le crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne pour l’autre. Dans les deux cas, il y a la même pratique de la philosophie.

Même éclat

Pour Onfray, il y a deux types de philosophes. Celui qui réduit le vivant à des concepts et se livre à de pures opérations de l’esprit. Ou bien celui qui, tel Socrate, Épicure ou Camus, permet „la sculpture de soi pour quiconque souhaite donner un sens à sa vie”. C’est peut-être pourquoi Camus n’a pas pris une seule ride. Pour preuve, L’étranger est, depuis des décennies, l’une des meilleures ventes en livre de poche, le livre-culte de générations de lycéens.

Le mythe de Sisyphe ou L’homme révolté tiennent la route comme au premier jour, Caligula, un chef-d’oeuvre, est toujours mis en scène avec succès et des livres comme Noces, écrit à 23 ans, gardent le même éclat qu’à leur parution.

Fidélité

La postérité adore Camus, contrairement à l'”établissement” intellectuel français, pour qui avoir raison trop tôt sur la plupart des sujets, du stalinisme à l’Algérie, était un grand tort, voire un crime impardonnable. À quelques exceptions près, dont celles, notables, de Jean Daniel ou de Jacques Julliard, il l’a toujours snobé.

Sa force : Camus était de son temps, mais aussi à côté. Fidèle aux humiliés et aux offensés du monde, il n’est tombé dans aucun des panneaux de son époque. Depuis qu’il a trouvé la mort dans un accident de voiture, le 4 janvier 1960, à l’âge de 46 ans, Albert Camus est ainsi devenu increvable et indémodable. Il a gagné par KO son combat posthume contre Jean-Paul Sartre, qui, malgré tous ses talents, notamment celui de lâcher les meutes, n’aura finalement laissé que deux bonnes choses derrière lui : Les mots, un bijou d’autobiographie, et Le siècle de Sartre, de Bernard-Henri Lévy, qui en a fait un beau héros romanesque.

Illisible

Pour le reste, Sartre est aujourd’hui aussi illisible que Camus demeure moderne. Ses pièces comme La putain respectueuse sont injouables, ses pastiches de Heidegger n’ont même pas le charme des copies et ne parlons pas de ses romans, qui, pour rester gentil, provoquent le même effet que la verveine. Ni de son attitude pendant l’Occupation, qui ne fut pas brillante, loin de là, comme le montre Onfray. Aujourd’hui, sa compagne Simone de Beauvoir, bien qu’attachée surtout à construire la légende de son homme, le surclasse et le surplombe avec des livres comme Le deuxième sexe ou Les mandarins.

Dans Mémoires d’une jeune fille rangée, Simone de Beauvoir écrit justement : „Il me semblerait que la terre n’aurait pas été habitable si je n’avais eu personne à admirer.” Grâce à Onfray et à son Ordre libertaire, la terre est plus habitable encore : il nous est désormais permis d’admirer plus encore Camus, et même sans retenue.

Par Franz-Olivier Giesbert

sursa 

Hachette Livre a engagé un spécialiste contre le piratage des livres

La maison d’édition a fait appel à un spécialiste américain de la lutte contre le piratage numérique.

Hachette Livre a décidé de prendre à bras le corps le problème du piratage des livres. La maison d’édition a ainsi annoncé jeudi avoir fait appel à la société américaine de surveillance du Web Attributor, explique Les Echos. „Le piratage des livres scannés et publiés illégalement existe depuis longtemps mais la numérisation décuple les possibilités”, a ainsi expliqué Hachette Livre, qui fait appel à Attributor pour „protéger ses actifs et les intérêts de ses auteurs à l’heure où la lecture sur tablettes numériques se généralise”.

Basée dans la Sillicon Valley, Attributor revendique le leadership mondial de la chasse aux pirates de livres numériques, que ceux-ci opèrent en „peer to peer” ou en téléchargeant depuis des plateformes de stockage.

Cette société surveille et repère les sites indélicats, et leur adresse une mise en demeure, initiative dissuasive dans la plupart des cas. Deuxième maison d’édition au monde, Hachette Livre ne compte donc pas laisser le livre numérique et les possibilités qu’il offre au téléchargement illégal faire baisser son chiffre d’affaires.

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La pucelle disparaît du dictionnaire de l’Académie

L’avant-dernier volume du Dictionnaire de l’Académie française vient de paraître. Cette nouvelle édition, qui remplace celle élaborée dans les années 1930, comporte son lot de mots nouveaux, de suppressions, et de recommandations d’usage.

L’actualisation du dictionnaire, dont la première édition date de 1694, est un travail de longue haleine : pour un volume, soit le quart de l’alphabet, comptez une bonne dizaine d’années et quarante hommes en habit vert. Chaque édition compte son lot de termes nouveaux et de morts annoncées. Les Académiciens n’ont ainsi eu aucun scrupule à évincer la pucelle. Ce «poisson qui ressemble à l’alose, mais qui est moins estimé» a disparu de la neuvième édition du Dictionnaire, entrainant avec lui d’autres noms savoureux. Plus étonnant, certains noms propres employés comme noms communs – nemesis, nestor, ou encore œdipe ont eux aussi été supprimés. Quant aux 3800 nouveaux mots qui jalonnent l’ouvrage, ils sont tous consacrés par l’usage depuis plusieurs dizaines d’années : si la photocopie et la médiathèque viennent de faire leur entrée, il faudra sans doute attendre la prochaine édition, vers 2050, pour que la numérisation s’impose. D’ici là, il s’agira de préférer mercatique à marketing, désodorant à déodorant, et parc de stationnement à parking, et la langue française, aux dires des académiciens, sera bien gardée.

sursa

Marché du livre: «La peur est mauvaise conseillère»

Le marché du livre vit des heures difficiles en Suisse, à cause de la crise, du franc fort, du commerce électronique et du livre numérique. Les professionnels placent leurs espoirs dans le prix réglementé et la spécialisation.

«Notre chiffre d’affaires est en baisse pour la troisième année consécutive, et les pertes sont nettement plus fortes que dans les autres domaines de la vente de détail». Ce constat alarmant, c’est Daniel Landolf, directeur de l’Association des libraires et éditeurs alémaniques (SBVV), qui le tire.

Selon lui, la crise du secteur du livre a plusieurs explications. Le franc suisse, la pression des chaînes de discounters et la disparition – en Suisse alémanique, où le système a existé jusqu’en 2007 – du prix unique du livre. La montée en force du livre électronique participe aussi à la chute des ventes. En clair: le marché du livre se trouve confronté au défi de changements structurels profonds.

«Nous avons tous les problèmes imaginables», confirme Francine Bouchet, directrice des Editions La Joie de lire, qui avait cette année un stand à la Foire du livre de Bâle. «Par exemple, la France, où nous réalisons 70% de notre chiffre d’affaires, a augmenté la TVA, et ce pour les livres également.»

Pourtant, l’intérêt pour les livres ne semble pas faiblir. Ainsi, à la Foire du livre de Bâle, qui s’est tenue du 18 au 20 novembre, le nombre d’exposants a augmenté de 20% et le nombre de visiteurs de 4%.

Votation sur le prix réglementé

Les milieux du livre – en tout cas la grande majorité de ses acteurs – espèrent beaucoup de la réintroduction d’un prix réglementé. La solution adoptée par le Parlement a cependant été attaquée par référendum et les Suisses se prononceront dans les urnes le 11 mars prochain. Les référendaires estiment qu’un prix unique n’est pas favorable aux consommateurs et mènera à la création d’un «cartel du livre».

«Depuis que le système du prix unique a dû être abandonné en Suisse alémanique, la guerre des prix s’est installée sur le marché», affirme Anne Riesen, responsable pour les médias, la distribution et les licences de l’éditeur bernois Zytglogge, lui aussi présent à Bâle.

«Des prix fixes feraient que tout le monde a les mêmes chances sur le marché. Il n’est pas juste que certains attirent les clients avec des rabais», renchérit Heinz Scheidegger, de la maison d’édition Edition 8, appartenant, comme Zytglogge, à l’alliance des Swiss Independent Publishers (Swips), qui regroupe plus de vingt maisons.

«Préserver la diversité»

La SBVV fera campagne contre «le dumping sur les prix et la concurrence des discounters», explique Daniel Landolf. Le prix réglementé permettra aussi de conserver la diversité des librairies en Suisse. «Nous ne voulons pas d’une situation anglaise, où plus de la moitié des villes n’ont plus de librairie et s’appauvrissent culturellement», fustige le directeur de l’association alémanique.

En attendant, beaucoup de librairies voient leur avenir dans la spécialisation. «L’expérience des dernières années montre que les échoppes qui se spécialisent ou se positionnent dans un secteur spécifique ont des chances de traverser la crise», note Fritz Hartmann, représentant suisse de l’éditeur allemand Suhrkamp.

” Les milieux du livre essayent de ne pas répéter les erreurs commises par l’industrie du disque. ”
Daniel Landolf, directeur de l’Association des libraires et éditeur alémaniques.

E-book: danger ou chance?

Le stand de Thalia, une des plus grandes chaînes de librairies en Suisse alémanique, était particulièrement frappant: la marque avait choisi de ne présenter que des livres électroniques. «Nous sommes convaincus que la lecture numérique va prendre de l’ampleur en Suisse également et qu’elle sera un pilier de nos activités», annonce Irina Jermann, directrice du marketing et de la communication de Thalia Suisse.

L’écrivain Guy Krneta ne rejette pas cette évolution. Présent sur le stand de Thalia, il estime que le livre électronique peut «redonner une nouvelle importance à des textes qui avaient disparu.» Il n’en demeure pas moins, selon lui, que le livre reste une «invention incroyable, avec de nombreux avantages.»

Le livre électronique fait partie des trois stratégies de Thalia pour endiguer les effets négatifs de l’évolution actuelle. «La deuxième est la vente en ligne et la troisième consiste à compléter l’assortiment de livres par ce que l’on appelle des objets proches du livre», explique Irina Jermann.

Secteur affaibli

«Les milieux du livre essayent depuis des années de ne pas répéter les erreurs commises par l’industrie du disque», explique Daniel Landolf. Les grands éditeurs ne sont pas seuls à ne pas manquer le virage de la numérisation. Les petites maisons s’y sont aussi mises. Mais pour l’heure, personne ne fait de bénéfices avec le livre électronique.

«La peur est mauvaise conseillère, assure Francine Bouchet. Rien ne sert d’ignorer les changements en cours. Nous avons commencé à numériser tous les titres littéraires de notre catalogue, avec l’aide du Centre National des Lettres de Paris.»

Zytglogge s’équipe aussi. «C’est une grande chance pour les livres épuisés ou n’existant plus qu’en petites quantités», précise Anne Riesen. Heinz Scheidegger (Edition 8 ) est même convaincu que l’e-book ne fera pas disparaître le livre en papier et qu’il y aura, ces prochaines années, «une coexistence des deux supports.»

Comme pour confirmer la pérennité du papier, Amazon, la plus grande plateforme de ventes en ligne du monde, vient de décider d’investir dans l’édition de livres. Une nouvelle concurrence? «Oui, mais cette concurrence fait vivre le marché, dit Daniel Landolf. D’autant plus qu’Amazon n’est intéressé que par les auteurs déjà connus.»

Christian Raaflaub, swissinfo.ch
Bâle
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

Les prix littéraires gonflent les ventes de livres en France

(Relaxnews) – Un roman auréolé d’un prix littéraire est pratiquement assuré de rencontrer le succès en librairie, indique l’institut Gfk dans une étude publiée ce mercredi 2 novembre. Le Goncourt demeure la récompense la plus influente auprès du public, avec des ventes moyennes atteignant les 400.000 exemplaires au cours de ces six dernières années.

 

Jour où Alexis Jenni remporte le prix Goncourt pour L’Art français de la guerre, Gfk dévoile une étude à propos du poids des récompenses littéraires sur les ventes de livre. Ces gratifications aiguillent le public, face à un choix souvent très riche à l’époque de la rentrée.

Le Goncourt se place comme le premier indicateur dans ce domaine. Ainsi, entre 2005 et 2010, les lauréats du Goncourt ont vendu en moyenne 400.000 exemplaires de leur roman. Vainqueur de la précédente édition, Michel Houellebecq a multiplié les ventes de La Carte et le territoire par neuf pendant la semaine d’attribution du prix en 2010.

Moins influent, le Prix Renaudot a tout de même permis à Virginie Despentes de multiplier par sept les ventes d’Apocalypse bébé l’automne dernier, pendant sa semaine de consécration. En moyenne, un roman auréolé de ce prix peut espérer s’écouler à 198.000 exemplaires.

Parmi les autres récompenses influentes, figurent dans l’ordre le Prix Femina (156.000 livres de vendus en moyenne), le Prix Goncourt des lycéens (132.000) et le Grand Prix des lectrices de Elle (126.000).

En 2010, les livres récompensés ont représenté 2,4% des dépenses littéraires totales sur l’année. Entre août et le 15 octobre 2010 près d’1,4 million d’exemplaires ont été écoulés. Les ventes 2011 „s’annoncent moins fortes que celles de 2010„, selon Gfk. Au cours de cette même période 2011, 1,2 millions de livres ont trouvé preneurs.

Les cinq livres primés les plus vendus depuis 2005
(source : Gfk)
Roman Auteur Ventes Prix
1 L’Elégance du hérisson Muriel Barbery 1.120.000 Prix des libraires, 2007
2 Chagrin d’école Daniel Pennac    640.000 Prix Renaudot, 2007
3 Les Bienveillantes Jonathan Littell 615.000 Prix Goncourt et Académie française, 2006
4 Trois femmes puissantes Marie Ndiaye 518.000 Prix Goncourt, 2009
5 La Carte et le territoire Michel Houellebecq 490.000 Prix Goncourt, 2010

Histoire du pied et autres fantaisies, de J.-M. G. Le Clézio

Avec ce recueil de nouvelles, Histoire du pied et autres fantaisies, J.-M. G. Le Clézio reste l’un des derniers écrivains capables d’accéder aux mythes.

Dans l’apologue à Histoire du pied et autres fantaisies, qu’il transforme en leçon de survie, Le Clézio reprend la distinction établie par Schopenhauer entre trois sortes d’écrivains : ceux qui n’ont rien à dire, ceux qui réfléchissent à ce qu’ils ont à dire (non sans avoir eu recours parfois à des rabatteurs), et ceux qui se lancent à l’aventure en prenant le risque de revenir bredouilles. La sympathie de l’auteur de Désert va, bien évidemment, à cette dernière catégorie, et il est vrai que l’on a vu notre grand écrivain revenir parfois avec un vieux lapin dans sa gibecière, comme dans Ritournelle de la faim.

«Misère de la littérature», écrivait Schopenhauer. Littérature de la misère, ont répété certains admirateurs de Le Clézio, réduisant son oeuvre à l’étouffée : un manifeste cosmopolite en faveur des sans-voix. Ce manifeste a pu détourner des lecteurs du lauréat du prix Nobel. Tant pis. Ces derniers passeront à côté de ce recueil de nouvelles où Le Clézio nous inflige une magistrale leçon pour l’avoir ainsi caricaturé, nous rappelant qu’il est l’un des derniers écrivains capables d’accéder aux mythes tout en nous ramenant vers notre âme d’enfant.

Voici Ujine aux gros orteils, aux doigts de pieds boudinés, qui marche avec les talons comme un canard. Son histoire donne son titre au recueil de nouvelles. Elle va apprendre à vivre «sur les pointes». Sur les pointes, elle va aimer, être possédée, désaimer et lutter pour ne pas être dépossédée de son enfant. Ujine, dont tous les muscles sont tendus et qui parvient à être souple comme une liane. Tendue vers cet absolu qu’est l’amour, mais souple quand le vent mauvais de la trahison souffle.

Quelle est la meilleure façon de marcher ? Se dresser sur des constructions branlantes au risque de glisser sur les pavés mouillés, au risque de se rompre les ligaments quand un des talons est pris au piège de grilles ou de terrasses en caillebotis ? Ou, simplement, être à plat, prendre le sol pour époux : « Après le sommeil (l’amour, le rêve). „Bonjour !” L’étonnement du premier contact. » L’amant d’Ujine est délicat, ses pieds sont longs et minces, il s’excuse de tout, respecte les interdits, impose des règles à leur relation comme un gentleman. C’est un jeu, pense-t-elle. Non, c’est un leurre. Cette distance polie est de l’indifférence, ces lois qu’il impose sont celles d’un goujat indolent. Et s’il n’extériorise jamais ses sentiments, s’il se met rarement en colère, c’est tout simplement parce qu’il est lové sur lui-même comme le serpent.

Chacune de ces dix nouvelles comporte un mécanisme parfait où le lecteur va se retrouver désorienté, obligé de reprendre le sentier jusqu’à ce moment précis où le récit bascule. Et souvent les masques tombent non pas pour laisser place aux visages, mais à d’autres masques «de cartons bouillis ou de vieux cuir, avec deux fentes par où bouge le regard». Démasqué dans «Barsa, ou barsaq», Omar, le philosophe qui s’est rebaptisé Simon Frantz Fanon, hommage à l’auteur des Damnés de la terre , qui rêve et fume sur son rocher et encourage les jeunes à quitter Gorée. C’est un minable rabatteur qui envoie les candidats au départ vers l’enfer. Démasqué dans «L’arbre Yama», le père d’Esmée, diamantaire libanais, dont le véritable « trésor » est constitué de photos de corps africains saccagés ou mutilés à l’issue des guerres tribales. Démasqué aussi l’époux de l’écrivaine Letitia Elisabeth Landon, responsable de son empoisonnement. Dans « L.E.L., derniers jours », Le Clézio ressuscite la mémoire de cette poétesse britannique qui connut une grande renommée littéraire de son vivant ; mais il raconte surtout le naufrage de la goélette anglaise sur les côtes ghanéennes. L’incompréhension totale entre deux mondes, deux approches radicalement opposées de la liberté.

Il y a dans ce livre du bruit et de la fureur, mais c’est le bruit et la fureur des contes. Il serait vain de chercher une ligne de démarcation entre le réel et l’imaginaire. L’araignée au fond de son trou boueux s’enivre, tout comme nous, d’improbables galaxies. Et si nous nous laissons guider par le chasseur Le Clézio, c’est parce que son style glisse sur le récit comme une périssoire. Il trouve naturellement le mot qu’il cherche, le mot qu’il ouvre comme une coquille, « comme un fortune cookie qu’on craque pour lire le message qui s’adresse à tous et à personne ». Éloge de la fluidité qui court de page en page et que l’on pourrait résumer par cette description : « L’eau de pluie cascade le long de l’intérieur du tronc et emplit les creux de l’écorce. La pluie bondit de branche en branche, de feuille en feuille, et de la terre monte une odeur puissante et douce qui se relie à l’enfance. »

Par Joseph Macé-Scaron

sursa: http://www.magazine-litteraire.com/content/critique-fiction/article?id=20320